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La politique ivoirienne reste ce qu’elle est. Derrière tous les pions qui sont poussés, il y a toujours des perdants. Et dans le dernier cas d’espèce, avec le retour au bercail de Laurent Gbagbo le 17 juin dernière, quelqu’un a été sacrifié. Il s’agit de Charles Blé Goudé, l’ancien chef des «jeunes patriotes», ceux qui prétendent avoir donné leurs poitrines pour défendre le régime de Laurent Gbagbo.

Charles Blé Goudé, acquitté de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) le 31 mars 2021 en même temps que Laurent Gbagbo devait être de retour à Abidjan le 17 juin également. Mais que non.

Il doit encore patienter. Parce que le Front populaire ivoirien (FPI) n’a pas poussé pour qu’il vienne dans les bagages de Laurent Gbagbo. La première explication est qu’en politique, on ne se fait pas de passe. Et comme Blé Goudé, qui a transformé son mouvement, le Congrès des jeunes patriotes (Cojep) créé en 2001, en parti politique en 2015, se voit désormais un destin présidentiel en Côte d’Ivoire, le FPI n’entend rien faire pour lui.

Il n’a qu’à se débrouiller seul. Surtout qu’il a dit clairement lors d’un entretien récemment à la chaîne France 24: « J’ai des ambitions pour un jour diriger mon pays, avec une équipe qui comprendra qu’il faut faire de la politique autrement en Côte d’Ivoire », avait-il déclaré depuis La Haye.

Contrairement à Laurent Gbagbo de retour ce jeudi 17 juin en Côte d’Ivoire après dix ans d’absence, Charles Blé Goudé est toujours à La Haye (Pays-Bas). Officiellement, c’est l’argument qu’il n’a toujours pas reçu son passeport qui est avancé pour expliquer son non-retour en même temps que Laurent Gbagbo. Ce qui peut difficilement convaincre des esprits critiques.

La seconde épouse de Laurent Gbagbo, est rentrée en Côte d’ivoire avec un laissez-passer, selon des sources proches de la concernée. Il aurait pu en être de même pour Blé Goudé. Surtout que le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, avait donné le 7 avril, une semaine après leur acquittement, son feu vert au retour de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé.

Même s’il faut en convenir M. Ouattara n’a pas mentionné de dispositions particulières concernant Blé Goudé, qui lui a toutefois exprimé sa « gratitude » pour son geste. Là où des négociations ont eu lieu entre un comité d’organisation mis en place par le FPI-GOR et les autorités d’Abidjan. Ces pourparlers ont abouti à l’octroi du pavillon présidentiel pour l’arrivée de Laurent Gbagbo. Même si au dernier moment le 17 juin, cela n’a pas été utilisé.

Le silence au sommet de l’Etat et au sein de l’establishment des frontistes ivoirien sur le cas Blé Goudé est vraiment parlant. Pas une préoccupation pour personne. Il devra se battre seul pour obtenir les meilleures conditions d’un retour au pays natal. Arrêté en 2013 au Ghana, Blé Goudé avait été transféré à la CPI à La Haye en 2014 pour y être jugé aux côtés de Laurent Gbagbo pour crimes contre l’humanité liés à la crise postélectorale ayant fait 3000 morts.

Comme Laurent Gbagbo, Blé Goudé a été condamné par contumace en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison pour des faits liés à cette crise. Si le gouvernement a clairement laissé entendre que la peine contre M. Gbagbo serait abandonnée, il n’a rien dit concernant celle de Charles Blé Goudé.

Tout reste donc à faire pour Blé Goudé.

 

Stéphane Badobré

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