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Le Premier ministre israélien, qui s’accroche au pouvoir comme un naufragé à tous les débris qui l’entourent dans le but unique d’échapper à la Justice de son pays, a saisi le prétexte de l’attaque du 7 octobre 2023 du Hamas pour mettre en application le dicton : « Après moi le déluge ».

Assuré de la connivence des puissances occidentales malgré les larmes de crocodile que ces dernières versent sur la boucherie en cours à Gaza, il s’est mis en tête d’éradiquer le Hamas et tous les Palestiniens de cette enclave-prison si nécessaire.
Le bilan effroyable de plus de 35. 000 morts civils (chiffres largement sous-estimés selon les commentateurs avisés), dont une majorité de femmes et d’enfants qui n’émeut que du bout des lèvres et devant les caméras la bien nommée communauté internationale, trahit paradoxalement son échec à Gaza 6 mois après le début du carnage qui y est perpétré en toute impunité.

Désormais dos au mur et face à une opinion publique israélienne de plus en plus hostile et qui réclame sa démission à travers d’immenses manifestations de rues, il a fait le pari d’allumer un autre incendie pour détourner l’attention.

En attaquant le 1er avril 2024 un bâtiment adjacent à l’ambassade iranienne à Damas qui est la plus importante représentation diplomatique de l’Iran dans le monde et que les services secrets occidentaux surnomment : « La Centrale », Netanyahou savait exactement que cela ne resterait pas sans conséquences qu’il a d’ailleurs vivement souhaité comme un enfant la nuit de Noël.

Beaucoup d’observateurs, cependant, avaient perçu ce piège et espéré que l’Iran ne tomberait pas dedans.

Mais en Iran, il existe cette maxime du petit enfant devant une boîte remplie de bonbons. Ce dernier prendra un, puis un autre et encore un autre et ainsi de suite jusqu’à ce que la boîte soit vide si avant on ne lui tape pas sur la main.

Le bâtiment visé à Damas était une annexe de l’ambassade qui abritait les services consulaires et non l’ambassade elle-même qui est restée intacte.

Netanyahou comme le petit enfant devant la boîte remplie de bonbons a donc pris un premier bonbon en observant la réaction de l’Iran qui jusqu’à ce jour a toujours été mesuré dans ses réponses aux provocations d’Israël et de ses soutiens occidentaux comme après l’assassinat par les Américains le 3 janvier 2020 du Général Ghassam Soleimani, le commandant des Gardiens de la Révolution (dont 7 importants membres ont été tués dans l’attaque du consulat de Damas) et les attaques israéliennes contre des positions militaires de l’Iran en Syrie ou encore les assassinats ciblés non revendiqués de physiciens liés au programme nucléaire sur le territoire de l’Iran dont les auteurs étaient toujours aussi visibles qu’une mouche dans un verre de lait.

Cette fois, le contexte régional et international mais surtout interne à l’Iran « obligent » les autorités iraniennes à réagir de manière plus ferme que d’habitude.

L’Iran, il est bon de le savoir, malgré les rhétoriques verbales entre les deux pays, n’a aucun contentieux avec Israël en dehors de son soutien fort et constant à la résistance palestinienne et au Hezbollah libanais. Même après le triomphe de la révolution islamique en 1979, les États-Unis considéraient le régime de Saddam Hussein fondé sur le nationalisme arabe comme plus dangereux que celui de la République Islamique d’Iran pour l’existence d’Israël. Ce qui explique l’éradication de Saddam Hussein et de son régime sur la base de mensonges et de manipulations.

La question palestinienne est donc le cœur du problème dans les rapports entre les deux pays. L’Iran est aujourd’hui avec la Turquie les seuls soutiens véritables de la cause palestinienne dans le monde musulman. Travailler sincèrement à résoudre cette question sur la base du droit international et non des arrangements diplomatiques et politiques entre grandes puissances est donc la seule garantie de paix et de stabilité pour la région du Proche et Moyen-Orient.

En ayant provoqué cette escalade avec la République Islamique, Netanyahou, qui compte y entraîner les Etats-Unis et une bonne partie de l’Occident, ouvre une séquence extrêmement dangereuse pour la région et le monde si le feu venait à prendre partout.

L’Iran est un pays de 1.600. 000 km2 avec plus de 82 millions d’habitants et Israël un minuscule territoire de 20.000 km2 (beaucoup plus avec les colonies illégales qui ont transformé le territoire des palestiniens en véritable fromage gruyère) et une population d’un peu moins de 10 millions d’habitants.

Netanyahou a affirmé comme Zelenski bénéficier du soutien des États-Unis et d’autres pays dans cette confrontation avec l’Iran sans dire à quelles fins. Ses soutiens ont participé avec un certain succès à la destruction des drones et autres missiles qui se dirigeaient ce 13 avril 2024 vers le territoire israélien et tout le monde est intéressé de savoir maintenant quelle suite ces alliés d’Israël comptent donner à cette réaction inédite de l’Iran.

Vont-ils souffler sur les braises comme en Ukraine et jouer au pompier pyromane ou agiront-ils pour obtenir une désescalade rapide en tenant en laisse Netanyahou qui visiblement en déjà trop fait?

Sinon, Israël pourra-t-il venir à bout de l’Iran comme l’envie démange jusqu’à la crise d’urticaire Netanyahou avec simplement le soutien des États-Unis et de la Grande Bretagne ?

L’État hébreux, dont l’image internationale a été fortement abimée, peine à contenir depuis 6 mois le Hamas dans la prison à ciel ouvert qu’il a constituée depuis près de deux décennies maintenant dans l’enclave de Gaza.

Qu’en sera-t-il alors de l’Iran avec ses 1.600.000 km2 ? Netanyahou sera-t-il obligé de faire usage des ogives nucléaires que son pays n’a jamais détenus officiellement ? Sommes-nous à la veille de l’Armageddon pour simplement sauver un seul homme de la justice de son pays?

Voici les questions qui arrivent involontairement et souvent insidieusement à l’esprit de beaucoup si l’on s’en réfère aux réactions sur les réseaux sociaux depuis hier nuit.

La région n’est pas totalement à l’abri d’une résurgence de l’État Islamique et d’autres groupes terroristes et djihadistes et pourrait devenir à nouveau le point de déstabilisation du monde entier en cas de déflagration.

Les occidentaux qui nomment la guerre en Ukraine « Guerre de Poutine et non de la Russie » devraient pouvoir évaluer jusqu’à quel point cette guerre qui pourrait éclater est celle d’Israël et non de Netanyahou. Ils devraient pouvoir alors convaincre Netanyahou d’accepter d’affronter enfin la justice de son pays qui est un État de droit et arrêter d’allumer des incendies dans le seul but d’y échapper.

Moritié Camara
Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales

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