Lettre ouverte au président Gbagbo Laurent Gbagbo, Pr du PPA CI et au ministre Tidjane Thiam, Pr du PDCI,
Par Franck Medard Kouassi
Ou comment remercier ceux qui savent si bien offrir des mandats au pouvoir en place
Encore une fois…
Les échecs successifs de l’opposition ivoirienne aux deux dernières élections présidentielles (2020 et 2025) nous invitent à un sérieux examen de conscience. Non pas sur la sincérité des discours, mais sur la volonté réelle de conduire une opposition victorieuse. Je sais que ces mots en froisseront plus d’un (certains, incapables de dissocier la critique de la trahison, préféreront détourner le regard ou couper les ponts). Mais la vérité, aussi amère soit-elle, finit toujours par remonter à la surface.
Souvenirs de 2020 : l’espoir confisqué
Les années 2018, 2019 et 2020 furent brûlantes. L’opposition bouillonnait, prête à affronter un parti au pouvoir qui, malgré ses acquis, portait un bilan aisément attaquable. Au PDCI-RDA, parti où je milite et que je connais intimement, la ferveur était palpable. Tous les groupes étaient en ordre de bataille pour accompagner le candidat du parti, le président HKB, à la présidentielle. Je rappelle, que le choix de HKB n’a été facile à accepter mais pour l’intérêt commun, nous nous sommes rangés.
À La Marée Verte, notre mouvement de soutien, nous avions tout mis en œuvre : des hashtags viraux comme #HKB86, une communication innovante, une campagne de proximité sincère. Les Ivoiriens voulaient tourner la page. Le vent du changement soufflait fort. Et les chiffres le confirment : la RLE de 2020 a enregistré 904 956 nouveaux électeurs, contre 769 757 en 2024 (2024-2025 selon les accords entre parties prenantes au fonctionnement de la CEI).
Mais c’était sans compter sur « le génie stratégique » de nos leaders.
Le vilain jeu des alliances et de “1”
Septembre 2020. La liste définitive des candidats tombe :
• Kouadio Konan Bertin
• Pascal Affi N’Guessan
• Henri Konan Bédié
• Alassane Ouattara
Pendant que des figures majeures comme Guillaume Soro, Albert Mabri Toikeusse, Marcel Amon-Tanoh ou Laurent Gbagbo étaient recalées, deux dinosaures de l’opposition, Affi et Bédié, étaient bel et bien admis.
Mais au lieu d’aider les candidats retenus en se mettant derrière eux pour aller se b*ttre dans les urnes, ils choisirent en définitif la fuite : le boycott.
Sous l’influence des recalés et d’autres leaders qui les ont rejoins en cours de route, ils se convainquirent que ne pas aller aux élections serait la meilleure manière de défendre la démocratie. Et parmi les stratèges de cette brillante idée, figurait déjà le ministre Tidjane Thiam, qui avouera lui-même en 2025, face à la diaspora, avoir “insisté pour le boycott auprès du président Bédié car c’était une stratégie efficace qui allait faire plier le gouvernement”.
Résultat ?
Un échec cuisant.
Un mandat supplémentaire pour le RHDP. Et des militants frustrés, trahis, épuisés, emprisonnés, d’autres sont morts, hélas.
Certains d’entre nous, à l’époque, avaient supplié le président Bédié d’aller au combat électoral, de ne pas boycotter et surtout de ne pas s’engager dans l’illégalité qui se dessinait à l’horizon (CNT), En vain. Ils ont préféré le CNT, les slogans vides et les illusions. Et le pouvoir a tranquillement prolongé son bail.
2025 : et de deux !
Cinq ans plus tard, rebelote.
Laurent Gbagbo, revenu au pays, crée le PPA-CI en laissant le FPI à Affi. Tidjane Thiam prend la tête du PDCI-RDA. L’histoire offrait une nouvelle chance à l’opposition : l’unité, la lucidité, la stratégie.
Mais non, nos dirigeants ont repris le même scénario, le même aveuglement, les mêmes erreurs. Conscients des risques, ils ont choisi le forcing sans issue et sans avoir la force, la surestimation de soi, la sous estimation de l’adversaire et surtout le mépris du terrain. Ils ont crié à l’illégalité, dénoncé la CEI, vilipendé la liste électoral tout en retirant les kits de parrainage, collectant les parrainages et déposant leurs dossiers de candidature.
Et lorsque leurs candidatures ont été rejetées, la solution miracle fut trouvée : lutter contre un « 4e » mandat de Ouattara et pour finir encore une fois la stratégie miracle de 2020 : le boycott.
Si on était retenu
Lors d’une interview avec Alain Foka, le ministre Thiam affirmait avoir demandé au président Alassane Ouattara en 2022 s’il comptait se représenter en 2025. Il lui avait dit qu’il ne se présenterait pas si le president Ouattara se portait à nouveau candidat. Pourquoi n’a-t-il pas dit ce jour au président Ouattara que ça serait une candidature illégale s’il décidait de se présenter ? Si sa candidature avait été validée, est ce qu’il allait choisir de lutter contre le 4e mandat ?
Lors de la dernière interview du président Gbagbo avec le même Alain Foka, il a affirmé s’être porté candidat pour affronter le président Ouattara pour faire un match retour de 2010 et enfin connaître qui était le vrai gagnant de 2010. Si sa candidature avait été validée, est ce qu’il aurait choisi de lutter contre la candidature (4e) de président Ouattara en boycottant ?
Toujours est-il que, comme en 2020, l’opposition s’est sabordée elle-même et le pouvoir a souri.
Merci ! Oui, merci.
Alors aujourd’hui, permettez-moi de vous adresser mes plus sincères remerciements.
Merci pour votre sens inégalé de la stratégie politique.
Merci d’avoir offert, deux fois de suite, cinq années supplémentaires de tranquillité au pouvoir que vous prétendiez combattre.
Merci pour ces milliers de militants descendus dans la rue, croyant défendre la démocratie pendant que vous écriviez la reddition.
Merci pour ces centaines de personnes emprisonnées parce qu’elles ont cru un instant que la souffrance du peuple était ce qui vous guidait.
Merci d’avoir eu l’audace de refaire la même erreur deux fois (boycott), tout en espérant un résultat différent.
Merci pour votre contribution inestimable à la longévité du RHDP.
Merci encore pour le dernier communiqué qui dit que vous ne reconnaissez pas cette élection et donc vous exigez la reprise. Si vous ne reconnaissez pas ce pouvoir, je pense que vous n’allez pas envoyer de candidats pour les futures législatives qui seront organisées par ce gouvernement.
L’histoire retiendra vos noms, assurément.
Mais pas comme ceux qui auront contribué à montrer une opposition unie, forte et prête à faire des sacrifices pour le peuple et à aller battre un parti au pouvoir dans les urnes. Plutôt comme ceux qui, à force de calculs et d’ego, auront offert au pouvoir la plus belle des victoires : celle de n’avoir plus besoin de combattre.
Je vais terminer par ce proverbe guéré qui dit : le danger qui te poursuit est celui là même qui te montre la route, le chemin. Merci encore une fois de nous montrer la route.
Franck Medard Kouassi
Un militant PDCI RDA,
Un citoyen ivoirien lucide,
fatigué d’applaudir des défaites programmées,
mais toujours amoureux de son pays.
A chaque génération son combat !
































