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Comme un effet de mode et/ou pour éviter les anciens noms trop connotés idéologiquement ou tombés en désuétude, aujourd’hui, tout le monde et ici en côte d’ivoire, Laurent gbagbo, l’ancien président, se revendique progressiste. Mais c’est quoi, au fait, un progressiste ?

L’ancien monde avec les habits du nouveau
Depuis quelques années, il est de bon ton de se définir comme ‘‘progressiste’’. Ce mot est devenu, quelque part, le nouveau mantra de certains mouvements politiques. En réalité, il est devenu le vide sidéral dans lequel on met tout et son contraire, où l’on cache la misère sous le masque de la modernité. « C’est pourquoi, il faut que les États africains s’unissent, c’est pourquoi il faut que le PPA-CI fasse appel aux autres partis progressistes pour que nous nous unissions. Il faut que nous soyons le ferment de la lutte », a indiqué dimanche à Abidjan, Laurent Gbagbo.

En effet, ce mot permet de tout dire sans rien dire. Il permet de s’acheter une modernité avec de l’ancien, de faire jeune avec du vieux et surtout, il permet de ne pas, ou plutôt de ne plus, assumer une idéologie dépassée, désuète et/ou massivement rejetée, en lui donnant un nom ‘‘moderne’’, ‘‘cool’’, ‘‘in’’. C’est l’étape ultime de la politique communicationnelle.
Par exemple, (une partie de) la gauche s’appelle les progressistes pour mieux se distancer de la droite car ils n’osent assumer le terme de ‘‘gauche’’ qu’ils ont, avouons-le, trahie à de multiples reprises. Les libéraux, s’appellent les progressistes pour mieux se distancer des conservateurs car ils n’osent assumer ce qu’ils sont : des libéraux. Les néolibéraux pro-européens s’appellent les progressistes pour mieux se distancer des eurosceptiques car ils n’osent pas assumer leur agenda politique. Bref, d’ici peu, même Victor Orban se définira comme progressiste, en expliquant qu’il fait barrage à l’extrême droite en Hongrie !
En fait, avec le mot ‘‘progressiste’’, l’ancien monde essaye de se draper des habits du nouveau sans se remettre en question lui-même.

Une idée pourtant révolutionnaire
Comme l’indique son nom, être ‘‘progressiste’’, cela signifie être pour le progrès social, pour un monde meilleur, pour des lendemains plus agréables pour tous. C’est en cela que c’est une idéologie révolutionnaire. Mais en l’utilisant à tort et à travers, elle est devenue un cache-sexe, un fourre-tout, un masque derrière lequel n’importe quel conservateur, libéral ou charlatan se cache pour mieux faire passer ses idées.
En effet, l’idée de ‘‘progrès’’ ne signifie pas forcément qu’aujourd’hui est nécessairement meilleur qu’hier et que le sens de l’Histoire est le bon. Autrement dit, quand le véhicule recule, c’est celui qui appuie sur le frein qui est progressiste. Dit autrement encore, quand les réformes sont des reculs, celui qui résiste est un progressiste.
Cela ne veut pas dire non plus que toute innovation technologique est un progrès et une bonne chose. Hier, le nucléaire, aujourd’hui, les OGM, demain, le clonage, sont incontestablement des innovations technologiques majeures et révolutionnaires, mais ceux et celles qui les défendent sont-ils des progressistes pour autant ? Assurément pas.

La recherche incessante de la justice
Être un progressiste, c’est prendre, en toute occasion, la défense du faible, du petit, du fragile contre le fort, le grand, le puissant, c’est-à-dire prendre la défense du salarié face à l’employeur, de la PME face à la multinationale, du pauvre face au riche, du lanceur d’alerte face au système, de l’enfant face à l’adulte, de la femme face à l’homme, de la minorité face à la majorité, de la nation sans État face à l’État central.
L’idée n’est pas qu’en toute circonstance, le faible ait automatiquement raison et que le fort ait d’office tort, que le petit soit nécessairement le gentil et le grand d’office le méchant ou bien que le fragile soit systématiquement du bon côté et le puissant obligatoirement du mauvais.
Non, le ‘‘progressiste’’ c’est celui qui se bat pour rendre justice, y compris – et surtout – dans le domaine social. Et pour qu’il y ait justice, il faut qu’il y ait un équilibre entre les 2 camps, la balance est d’ailleurs un des symboles de la Justice.
Autrement dit, dans une situation de confrontation entre le faible et le fort, le petit et le grand, le fragile et le puissant, le pot de terre et le pot de fer, le ‘‘progressiste’’ c’est celui qui choisit de rééquilibrer la situation pour qu’une décision juste soit rendue.
Au fond, cette idéologie est trop belle pour qu’elle soit abandonnée à des gens qui n’assument par leurs idées et qui veulent s’offrir une virginité alors que leur objectif est d’imposer un système injuste dans sa philosophie, dans sa structure et dans son application. Alors, les progressistes ne sont pas forcément là où on les imagine.

Avec www.federation-rps.org

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