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Après trois mois de trêve pour cause de Covid-19, la rue a repris du service en Guinée Conakry. En effet, les opposants au président Alpha Condé qui ne fait plus mystère de sa volonté de briguer un troisième mandat, ont, sur initiative du Front national de défense de la constitution (FNDC), battu le macadam pour s’opposer à toute confiscation du pouvoir. Et comme il fallait s’y attendre, les forces de l’ordre ont encore fait usage de gaz lacrymogène pour dispenser les manifestants dont certains ont été blessés par balles. Avec cette reprise des manifs en Guinée, il faut craindre que le pays ne renoue avec les violences qu’on a connues de par le passé, d’autant qu’on a le sentiment que les deux camps sont déterminés à aller jusqu’au bout. En tout cas, avec la tenue contre vents et marées du référendum constitutionnel en mars dernier, Alpha Condé aura fait un pas de plus sur le chemin de la patrimonialisation du pouvoir. Et tout laisse croire qu’il n’est pas prêt à reculer devant une opposition qui, en dépit des assauts répétés, peine à le faire plier. Toujours est-il que le locataire du palais Sékhoutoureya semble avoir pris une longueur d’avance sur ses opposants. On est d’autant plus fondé à le penser qu’après s’être fait tailler une Constitution sur mesure, il semble avoir réussi la prouesse de mettre toutes les institutions sous coupe réglée y compris la Grande muette. Mais pouvait-il en être autrement quand on sait que l’armée guinéenne n’a jamais été républicaine? Pour autant, faut-il faire le deuil de cette opposition qui est vent debout depuis plusieurs années pour contraindre Condé au respect de la loi fondamentale ? Assurément non ! Car, comme le dit l’adage, « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ».

Condé a certes réussi par la force et la ruse à lever beaucoup d’obstacles sur le chemin d’un troisième mandat mais l’opposition guinéenne n’a pas encore dit son dernier mot. C’est dire si l’octogénaire président devrait savoir raison garder ce d’autant que la jeunesse guinéenne qui aura payé un lourd tribut dans cette bataille pour le respect de la Constitution, semble plus que jamais déterminée à prendre son destin en main. Ce serait faire preuve de naïveté de la part du camp Condé que de croire que tout est déjà plié. Le troisième mandat dont il rêve tant, est un projet risqué. Et s’il n’y prend garde, il pourrait bien y laisser des plumes. En tout cas, bien des princes régnants qui ont cru que ce projet passerait comme une lettre à la poste, l’ont appris à leurs dépens. C’est dire si cet entêtement de Condé pourrait le conduire à sa perte. Il risque, et c’est peu dire, de vendanger les acquis engrangés durant ses deux mandats. En choisissant de foncer tête baissée, Condé risque de sortir par la petite porte. Cela dit, il est encore temps, pour le Professeur, de faire marche arrière. Seulement, sera-t-il suffisamment sage pour entendre raison ? On en doute fort. Si malgré le nombre important de cadavres qui jonchent ses placards, il continue comme si de rien n’était, c’est qu’il est prêt à brûler le pays pour obtenir son troisième mandat. Comme le pouvoir peut rendre fou ! Après deux mandats consécutifs, Condé devrait avoir la décence et la lucidité de faire valoir ses droits à la retraite et passer la main à une autre équipe. Se croire indispensable dans un pays peuplé de plus de dix millions d’âmes, c’est faire preuve de mépris vis-à-vis des Guinéens.

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