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« Le silence est bruissant de paroles »

Un extrait de l’interview de M. Blé Goudé mérite une clarification de ma part.
Ayant été cité, je me dois de rompre le silence sur ce fait précis, afin d’éclairer l’opinion sur cette phase importante de l’histoire de notre pays.

Il s’agit d’une réunion tenue en 2009, entre le Président Laurent Gbagbo et les Forces Nouvelles, à la résidence de son épouse, Madame Hadja Nady Bamba.
Comme le dit mon ami de longue date, M. Blé Goudé, que je paraphrase ici : « Le silence trop gardé peut s’apparenter à une culpabilité. »

1. Contexte d’avant la signature de l’accord de Ouagadougou (2007)

Ayant constaté la mise à mal du processus de paix issu des différents accords par certains jeunes patriotes, et afin d’avoir des gages sur la sincérité de la mouvance présidentielle avant les débuts des pourparlers du Dialogue Direct de Ouaga initié par le Président Laurent Gbagbo lui-même, le SG des Forces Nouvelles, M. Guillaume Soro, a mandaté certains cadres des Forces Nouvelles pour avoir des échanges avec des leaders de la galaxie patriotique et d’autres sphères du pouvoir FPI.

Le but était d’avoir leur lecture sur le futur Dialogue Direct en préparation.
C’est à ce niveau que nous avons eu des échanges réguliers avec M. Blé Goudé, qui a salué ce dialogue et a adhéré pleinement au principe.

Nous avons convaincu M. Blé Goudé, que j’appelle affectueusement « Zouzou », que son engagement dans la réussite de ce Dialogue Direct était crucial et pouvait lui permettre aussi de faire lever les sanctions de l’ONU qui pesaient sur lui et certains de nos frères. Cette levée serait bénéfique pour son profil politique, selon notre vision.

Après plusieurs échanges — et certainement avec l’accord du Président Gbagbo — M. Blé Goudé a adhéré au principe du dialogue politique de Ouaga entre les Forces Nouvelles et le Président Gbagbo.
Pour lui, il devait jouer un rôle clé afin de préparer les esprits à cette tournure politique délicate.

Il a même présenté un schéma qui consistait à organiser une grande tournée politique dans la zone gouvernementale afin de préparer l’opinion à accepter le Dialogue Direct et ses résolutions.
Sur le terrain, il a décidé de mettre l’accent sur la nécessité d’aller à la paix et à la réconciliation, afin de sortir de l’impasse dans laquelle le pays se trouvait depuis 2002, après que tous les accords politiques et toutes les résolutions aient été mis à mal, pour la plupart par le camp présidentiel.

Pour moi, cet engagement était sincère et pouvait lancer une dynamique d’acceptation de l’accord de Ouaga. Avant et pendant les négociations, il a effectivement mis en œuvre son schéma de travail. Le contenu de ses discours, axé sur la nécessité de la paix et de la réconciliation, a bien pris dans l’opinion. Les vidéos et reportages de l’époque sont disponibles sur le net.

Cette assurance donnée par M. Blé Goudé, acteur fort au sud, était un gage pour nous, politiques des Forces Nouvelles, quant à la sincérité du camp du Président Gbagbo.
Depuis Ouaga, je donnais régulièrement à M. Blé Goudé des informations sur l’avancée des discussions, sans manquer de l’encourager à persévérer face aux sceptiques de son camp.

2. Après la signature de l’accord de Ouaga

M. Blé Goudé a fait une déclaration publique pour soutenir l’accord de Ouaga, comme convenu. Son engagement nous a été d’un grand soutien pour la mise en œuvre de l’accord, qui a permis la nomination de M. Guillaume Soro, SG des Forces Nouvelles, comme Premier Ministre du Président Gbagbo.

Pour nous, Forces Nouvelles, c’était un grand signal que le PM Guillaume Soro pouvait venir s’installer à Abidjan et exercer pleinement, sans entrave, sa fonction de Premier Ministre. Une chance que les PM Seydou Diarra (RIP) et Charles Konan Banny (RIP) n’ont pas eue.

Ensemble, avec le Président Gbagbo et le PM Soro, nous avons décidé de consolider sur le terrain l’accord de Ouaga, sous le feu des critiques de toutes parts.
Le climat était lourd pour nous, signataires et soutiens de l’accord.

De commun accord, nous avons décidé d’ouvrir la zone CNO contrôlée par les Forces Nouvelles au camp présidentiel, pour consolider l’accord et l’esprit nouveau.

M. Blé Goudé pouvait enfin organiser la finale de sa tournée entamée avant la signature de l’accord, afin de lancer un appel à soutenir les processus politiques issus de l’accord de Ouaga.

Ce meeting, au stade Jessy Jackson de Yopougon Selmer, aurait lieu avec une présence physique des Forces Nouvelles. J’ai été moi-même désigné par le PM Guillaume Soro pour représenter les Forces Nouvelles.

Ce meeting a eu l’aval et la présence de tous les dignitaires du camp présidentiel et du FPI.
J’ai même esquissé des pas de danse historiques, ce jour-là, avec Madame Simone Ehivet, ce qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive (lol).

Par la suite, nous avons décidé, avec M. Blé Goudé, de consolider cet élan en ouvrant la zone CNO au camp présidentiel et à la galaxie patriotique. Comme pour dire que la paix était irréversible.

Plusieurs activités ont suivi : voyages, meetings, tournées entre la galaxie patriotique et la jeunesse des Forces Nouvelles dirigée par Bema Fofana, actuel député de Bouaké.
L’opinion se souviendra de la rencontre médiatisée entre le Commandant Wattao (RIP), Chef d’État-Major Adjoint des Forces Nouvelles, et M. Blé Goudé, à Bouaké.

Nous pouvons citer aussi les tournées du Président Gbagbo dans les zones CNO, la Flamme de la Paix, la mise en place d’un Centre de Commandement Intégré, le retour de l’administration, etc.

J’apprécie encore aujourd’hui le grand engagement de M. Blé Goudé dans la consolidation de la paix issue de l’accord de Ouaga. Ce fut un moment de courage politique qui a contribué à donner une image d’homme politique de renouveau à M. Blé Goudé, et peut-être à la levée des sanctions onusiennes contre lui.

3. La rencontre chez Madame Hadja Nady Bamba

Tout Abidjan savait que le Président Laurent Gbagbo se déplaçait régulièrement, presque chaque week-end, au domicile de sa seconde épouse, Madame Hadja Nady Bamba. Des réunions politiques et même étatiques s’y tenaient. Ce n’était un secret pour personne.

En 2009, nous, partisans de la paix issue de l’accord de Ouaga, étions sous pression, car nous remarquions un changement de ton dans les discours de M. Blé Goudé, qui commençait à critiquer l’accord alors même qu’il fonctionnait.

Certes, il y avait des opposants dans les deux camps, mais la volonté ferme des chefs politiques et militaires était de sauver l’accord.

Des critiques visaient le PM Guillaume Soro au nord, et le Président Gbagbo ainsi que plusieurs leaders patriotes — dont M. Blé Goudé — au sud.
Nous savions que ce dernier subissait une pression forte au sein de la mouvance présidentielle.

Sur ordre du PM Guillaume Soro, nous avons demandé une rencontre de clarification avec le Président Gbagbo.
Nous avons rencontré le FPI à Cocody, puis M. Blé Goudé à la résidence de Madame Hadja Nady Bamba.

Je pense qu’à cette époque, le courant passait bien entre Madame Hadja Nady Bamba et M. Blé Goudé, eu égard à l’ambiance du moment.

Lors de cette rencontre, M. Blé Goudé a justifié son revirement par la pression des anti-accords de Ouaga dans son camp. Nous avons condamné cette attitude de recul, et il s’est ressaisi, promettant de rester serein.

Je ne me souviens pas d’une scène où M. Blé Goudé se serait agenouillé pour demander pardon à M. Guillaume Soro, ni d’un ordre donné par Madame Nady Bamba pour qu’il le fasse.
Si cela est arrivé, que Dieu me pardonne ! Mais je n’en ai aucun souvenir après plusieurs tours dans ma mémoire. L’effet du temps peut-être !

À cette période, les choses marchaient bien entre le Président Gbagbo, Mme Nady Bamba, le ministre Tagro, l’ambassadeur Alcide Djédjé, une partie du FPI, M. Blé Goudé, et nous, Forces Nouvelles. Nous nous appelions d’ailleurs le Bloc de la Paix, en opposition au bloc des Anti-Accords.

Depuis cette rencontre de clarification, l’accord de Ouaga a pris son envol jusqu’au second tour de l’élection présidentielle de 2010.

NB

Je n’ai rien contre l’engagement politique de mon frère M. Blé Goudé, alias « Zouzou », et je lui souhaite pleine réussite, In sha Allah.

À chacun sa part de vérité.
Dieu seul sait.
Que Dieu nous donne une bonne compréhension et apaise les cœurs.

Ministre Konaté Sidiki
Ancien Porte-parole des Forces Nouvelles, Membre du Directoire Politique des ex-FN (2003-2010)
Témoin et acteur de cette époque
Député de Man-Commune

 

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