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Il y a quelques jours, nous parlions dans cette même chronique de la belle galère des journalistes en Côte d’Ivoire. C’est qu’il ne faut pas se tromper, journaliste ne rime pas forcément avec misère, difficulté salariale. Mais c’est l’environnement général du métier qui laisse à désirer dans notre pays. Sur un coup de tête, l’on décide très souvent de créer un journal, sans un véritable business- plan, sans une vision claire, sans une perspective de développement. Vous l’aurez compris, il y a très peu d’entreprises de presse en Côte d’Ivoire. En tout cas au sens classique du mot «entreprise». Et la conséquence immédiate depuis plus de 20 ans, les journaux se créent et se ferment au rythme des joutes électorales. Parce que très souvent, et cela est malheureux, on crée un journal pour défendre un homme politique qui paie les salaires des journalistes dans les possibilités de ses moyens. Et quand la cause politique prend fin, on met la clé sous le paillasson. Et on prend les mêmes et on recommence, un nouveau projet éditorial sous un autre nom. La seule manne qui permet de se maintenir à flot, reste la subvention de l’Etat, en raison du rôle que la presse joue en tant que 4è pouvoir, participant à la démocratie. Toute la vision s’arrête là. En 2020, il ne faut pas se cacher, on ne peut plus faire la presse comme il y a 20 ans voire plus. Il faut créer de véritables entreprises de presse, après une bonne étude de marchés sur l’attente du lectorat, un plan de développement sur 10, 20 voire 30 ans. Ce n’est pas la compétence seule des journalistes et autres rédacteurs qui doit être le capital. Il faut aller au-delà. Les principales questions à se poser, entre autres, doivent être : qu’est-ce que notre journal vient offrir de plus aux lecteurs et annonceurs, qu’est-ce qui intéresse les lecteurs, comment leur mettre le journal à disposition, partout et à temps? Quand on a cerné ces points, on peut alors mettre l’accent sur les volets imprimerie, distribution, qui pérennisent l’activité et qui sont les plus gosses poches de dépenses. Avoir ne serait-ce qu’une petite imprimerie et avoir son propre système de distribution. Nous disions plus haut que la presse en Côte d’Ivoire doit changer de logiciel. Le journalisme ne doit plus être l’activité principale d’une entreprise de presse. Il faut développer plusieurs activités connexes comme la consultance, la e-réputation, la régie publicitaire…Aujourd’hui le drame de la presse en Côte d’Ivoire est accentué par le fait que des personnes ont dépecé le métier : l’information est donnée par les réseaux sociaux avec l’instantanéité avec les directs et autres, le travail qui consiste à forger les opinions est accaparé par des gens qui se font appeler «influenceurs». Et les journalistes se retrouvent avec la portion congrue de repreneurs d’informations. Beaucoup de «déjà-vu» ou «déjà-entendu» sont servis aux lecteurs le lendemain des faits. Le challenge est donc multiple et peut se résumer en une seule phrase : la presse ivoirienne doit se réinventer. Il y a beaucoup de personnes intelligentes qui font ce métier depuis des années, mais tout le malheur provient du manque de vision managériale de certains patrons de presse. Un sursaut s’impose pour éviter que les milliers de bébés journalistes qui attendent dans l’anti-chambre soient condamnés à voguer la galère, parce que la presse n’est pas structurée et ne sait pas où elle va. Et pourtant la presse fait rêver.

 

Par Bakayoko Youssouf

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