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Discours intégral de Laurent Gbagbo le 19 mars à Songon-Agban

Songon-Agban, le 19 mars 2022
Monseigneur Akwa Jean-baptiste,
M. Akossi Bendjo,
M. Eric N’koumo,Maire de songon,
M. Aby Raoul, Maire de Marcory,
M. Ake N’gbo, Premier Ministre,
M. Amondji Djédji Pierre, ancien Gouverneur du District d’Abidjan,
M. Beugré Djoman, ancien Maire de Bingerville, Mon ami le Roi Dagbolasaye, Roi des Koulango, les Chefs de village des 3 zones Atchan, les personnalités du PPA-CI,
Chers amis, je connais Songon, je suis venu ici plusieurs fois, et Songon me connaît. Songon me connaît. Mais je suis aujourd’hui à Songon dans un contexte particulier. Après une absence de 10 ans, je suis là aujourd’hui au lieu d’être accueilli à l’aéroport comme initialement prévu par les Atchans. Il y a eu des séances de gazage, de pagaille, donc en homme civilisé, nous avons reculé pour contourner la difficulté. Nous avons contourné et nous sommes là aujourd’hui.
Chers amis Ebrié, je vous remercie. La Côte d’Ivoire a eu comme Présidents Félix Houphouët-Boigny, Henri Konan Bédié, Gueï Robert, et puis après moi, Laurent Gbagbo. Si vous vous êtes attachés à moi, je prends ça comme un signe d’amitié, de camaraderie et un honneur personnel. Je vous remercie pour cet honneur. Je vous remercie pour ces signes d’amitié et de camaraderie.
Mais l’histoire des Ebrié et d’Abidjan, il faudrait que les cadres du PPA-CI avec Assoa adou à leur tête, inscrivent ça pour qu’on en fasse un colloque. Ce qui est arrivé aux Ebrié, il faut que nous veillons à ce que cela n’arrive pas aux autres peuples de Côte d’Ivoire.
C’est en 1930 que le colonisateur qui voulait faire un port sur les côtes de la Côte d’Ivoire a découvert ce qu’on appelle le trou sans fond. C’est un trou, pas loin du canal de vridi, qui est très profond et dont on arrive pas à trouver le fond. Donc ce trou là était très pratique pour le capitaine qui était chargé de chercher une localité pour construire le port parce que pour lui, tous les déchets allaient être avalés par ce trou et ce trou là se trouvait au bord de la Lagune Ebrié.
Donc en 1930, ils ont décidé de déménager la capitale de Bingerville et de l’emmener à Abidjan à cause de ce trou. Les travaux ont donc continué puisqu’ils avaient commencé. Ces capitaines avaient en charge la constrution du port et la contruction du chemin de fer Abidjan-Niger qui a finalement été un chemin de fer Abidjan-Ouagadougou, à cause des difficultés financières.
Mais quand ils sont venus s’installer à Abidjan, ils n’avaient pas pensé aux peuples qu’ils allaient trouver à Abidjan, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas pensé aux Ebrié. Ils ont pensé à construire leur ville, leur capitale, un point un trait.
Le premier acte qui a été posé, ça a été de récupérer Anoumabo parce qu’Anoumabo était là où il y avait la gare du bus au Plateau, près de la lagune, vers la place de la République. Et ils ont mis Anoumabo derrière la lagune parce qu’il fallait absolument séparer les noirs des blancs. Et nous-même quand nous sommes arrivés à Abidjan en 1962, Aby Blaise peut le témoigner, j’étais un gaou dans la capitale. Une fois d’ailleurs, je cherchais où était le Lycée Classique d’Abidjan alors que j’étais devant. Je venais de Treichville à pied et j’ai demandé à un Monsieur où se trouvait le Lycée Classique. Il me dit espèces de gaou (rires).
Donc ils ont déplacé Anoumabo mais tous les problèmes ne se sont pas réglés. Le pont est construit, mais le pont on l’appelait le pont flottant. Le pont qui est le pont Félix Houphouët-Boigny, on l’appelait le pont flottant parce qu’il était fixe qu’à partir de 1958. Parce qu’il fallait que les noirs qui travaillaient au Plateau, l’endroit où travaillent les blancs, rentrent chez eux à une certaine heure. Et quand ils rentraient à Treichville, on cassait le pont et plus personne ne pouvait passer jusqu’au lendemain. Le lendemain matin, on remettait le pont pour que les noirs puissent travailler. Et vers 17 heures, on les faisait partir et on recassait le pont.
Adjamé, il n’y avait pas de lagune, donc on ne pouvait pas faire un pont flottant. Donc qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont construit 02 camps militaires qui à partir de 17 heures fermaient les routes.
Voilà comment la société était organisée.
Evidemment, il n’y avait plus d’Ebrié au Plateau. Évidemment. Mais le Plateau ce n’était rien encore. Plus la ville se développait, plus les Ebrié étaient dépossédés de leurs terres devant nous et vous pouvez demander à Aby Blaise. Nous étions en première en 1964 au Lycée Classique d’Abidjan quand on a construit l’hôtel Ivoire sur les terres de Blockauss. Et quand les Ebrié de Blockauss se sont plaints, parce qu’ils faisaient leurs champs, un monsieur, dont je ne dirais pas le nom car il vit encore, est allé là-bas et leur a dit: vous avez la chance que le Président Félix Houphouët-Boigny vous laisse encore vos cases et vous vous plaignez. Mais nous on était là, on a vu et on a entendu. On nous demande aujourd’hui pourquoi on a été opposant, mais quand tu as vu tout ça.
Les deux Plateaux n’existaient pas. Pourquoi on appelle ça aujourd’hui deux Plateaux ? C’est à la mort de De Gaulle. De Gaulle est mort à « Colombe des deux Eglises » . Tous les Chefs d’Etat africains sont allés aux funérailles, certains sont descendus de l’avion en pleurant. Et quand ils sont revenus des funérailles, on a ouvert la route au carrefour de la vie, il n’y avait pas de routes , il y avait un fossé et nous, jeunes gens, on allait à pied au lycée. Mais tous les villages Ebrié qui étaient là-bas, on a récupéré leurs terres et on a construit ce qu’on a surnommé Cocody les deux Plateaux comme Colombe les deux églises.
Mais mon amie Ago Marthe, elle était député de Bingerville. Entre Cocody et Bingerville, c’était la forêt quand j’étais petit. C’était des plantations. Aujourd’hui, allez voir. Mais ces forêts là appartenaient à quelqu’un, à des gens, qui en tiraient leurs nourritures.
Yopougon, Yopougon. J’ai fait le tour pour expliquer comment progressivement on a spolié les Ebrié. C’est pourquoi je demande au PPA-CI de faire un colloque sur le développement de la ville d’Abidjan pour que si une autre ville se développe, on évite les abus qui ont eu lieu à Abidjan, on évite les abus. Ici encore à Songon, vous avez la chance, vous avez un peu encore la chance que vous êtes un peu loin. Yopougon, il y avait Kouté, et il y avait quelques villages de Yopougon. Anonkoua Kouté, Yopougon Kouté, c’était dans la brousse, nous qui allions à Gagnoa, on passait, on voyait une église qui avait une cloche mais c’était dans un village. Plus tard, on a vu que cette cloche n’était plus isolée, et que la Sicogi avait fait une vaste opération qui allait de la route à la lagune. Le jour, j’ai vu, j’étais surpris. Il n’y avait plus de brousse.
L’urbanisation d’Abidjan a dépouillé totalement les Ebrié. C’est pourquoi quand je suis devenu Président, j’ai fait ce que j’ai pu pour donner à des fils d’Ebrié, des postes qui pouvaient leur permettre d’essayer de corriger un peu eux-mêmes. Parce que je me disais, « si cela arrivait dans mon village, qu’est-ce qu’on deviendrait ». Sinon ce n’est pas parce que je suis généreux mais c’est parce que je réfléchis un peu. Donc voilà mes frères, et il nous faut continuer à nous battre.
Regardez Abobo aujourd’hui. Regardez Marcory, Port-Bouët, Vridi, Songon, tout, tout est parti. Je vous dis yako pour ça, je vous dis yako pour cette grande souffrance, parce qu’en Afrique où les peuples sont paysans, un peuple qui n’a plus de forêt, qui n’a plus de brousse, de surfaces cultivables est un peuple misérable. Je vous dis yako.
Battons-nous, continuons à nous battre pour ça. Déjà en 30 ans, le sort des Ebrié était scellé. Quand nous sommes arrivés à l’indépendance en 1960, ça faisait 30 ans que les blancs s’étaient installés à Abidjan et le sort des Ebrié était scellé. C’est ça qui me préoccupe au lieu des discours politiciens. Quelquefois, je vois des choses que les autres ne voient pas. C’est ça mon drame et ma difficulté. Je réfléchis à des choses auxquelles les autres ne réfléchissent pas.
Il faut qu’on trouve des solutions ensemble. Je vous remercie, je vous remercie.
Que DIEU vous bénisse ! Que Dieu vous bénisse !

Service de communication PPA-CI

 

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