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D’Amadou Toumani Touré à Joseph Kabila, en passant par Blaise Compaoré, José Eduardo dos Santos, Abdoulaye Wade et Olusegun Obasanjo, JA a voulu savoir ce qu’étaient devenus ces présidents emblématiques, une fois libérés de leurs responsabilités. Une série déclinée en six épisodes.

Mali : Amadou Toumani Touré, la retraite forcée
La vie après le pouvoir (1/6). Résidant au Sénégal depuis le putsch de 2012, l’ancien chef de l’État malien vit un exil paisible, entouré des siens. Mais les menaces qui pèsent sur son pays d’origine ne le laissent pas indifférent, loin de là.
Jusqu’au bout, il a pensé qu’il s’agissait d’un mouvement d’humeur qu’il parviendrait à calmer. Mais quand les murs de son bureau à Koulouba ont été striés par les tirs de 12,7 mm de mutins, il a compris que c’était fini. Lui, l’ex-putschiste, était à son tour victime d’un coup d’État. Ce 21 mars 2012, aux alentours de 17 h 30, Amadou Toumani Touré a tout juste le temps de sauver sa peau. Le palais et ses ors, il les quittera en quatrième vitesse, en dévalant la colline de Koulouba à pied, escorté – parfois même porté – par quatre parachutistes au béret rouge. Une fuite rocambolesque qui se poursuivra dans une Mercedes brinquebalante braquée à un automobiliste sur le bord de la route.

Sénégal : Abdoulaye Wade, la politique dans le sang

La vie après le pouvoir (2/6). À 90 ans passés, l’ancien chef de l’État sénégalais aurait pu goûter les joies d’une retraite bien méritée. Penser cela serait mal connaître Abdoulaye Wade, lui qui ne s’est jamais senti aussi vivant que sur le ring.

C’est une modeste maison de plain-pied flanquée de larges panneaux ocre et ceinte d’un haut mur blanc qui empêche ses occupants de profiter de la vue. Abdoulaye Wade a pris ses quartiers en avril dans cette bâtisse solitaire et sans âme, qui fait face à l’Atlantique sur le flanc de la corniche ouest de Dakar, après un séjour de plus de deux mois dans une suite de l’hôtel Terrou-Bi – là aussi face au grand large.

Depuis sa brouille avec son vieux complice, Madické Niang, l’ancien président a déserté la villa luxueuse de Fann Résidence, que l’avocat mettait à sa disposition à chacun de ses séjours. Et sa maison historique du Point E, toujours en travaux, ne l’a pas accueilli de longue date.

Après son retour en fanfare à Dakar en février dernier, à quelques jours de la présidentielle, il s’est fait étonnamment discret. Les dernières images le montrent gravissant à grand-peine la passerelle d’un jet qui l’a conduit à Conakry pour rencontrer Alpha Condé. À son retour trois jours plus tard, l’ancien chef de l’État, qui venait d’appeler les foules à saboter le scrutin, avait mystérieusement remisé son costume

RDC : Joseph Kabila, le gentleman-farmer
La vie après le pouvoir (3/6). Joseph Kabila est loin d’avoir quitté la politique. Mais c’est désormais depuis son immense domaine de Kingakati, son autre passion, que l’ancien chef de l’État congolais tire les ficelles. Visite guidée.

Pour les automobilistes de Kinshasa, le boulevard Lumumba est un cauchemar. Depuis plusieurs mois, des travaux encombrent cette artère reliant le centre-ville de la capitale congolaise à son aéroport. À terme, ils doivent permettre de fluidifier la circulation, mais, pour l’instant, ils piègent surtout les passagers des heures durant. Le 29 mai, c’est un convoi plus spécial qui s’y est frayé un chemin en pleine journée : quatre éléphants d’Afrique, chargés dans deux conteneurs. Direction : la ferme de Kingakati, propriété de l’ancien président Joseph Kabila.

Dans ce domaine situé à 50 km à l’est de la ville, l’ancien chef de l’État a fait construire, lorsqu’il était encore au pouvoir, une vaste résidence secondaire plantée d’arbres et de lampadaires. Un ensemble de huit bâtiments posés sur un plateau dominant la vallée de la rivière N’Sele. Ces dernières années, Kabila avait coutume d’y réunir ses collaborateurs pour parler stratégie.

Mais depuis qu’il a quitté la présidence, en janvier, il a fait de cette immodeste demeure sa résidence principale. Le 4 mars, il y a reçu son successeur, Félix Tshisekedi. Désormais chef de la majorité parlementaire, il continue d’y réunir les responsables politiques qui lui sont restés fidèles, et ils sont nombreux : le 1er mai, ce sont les gouverneurs de province du Front commun pour le Congo (FCC) qui y ont été conviés ; le 22 juin, c’était au tour des sénateurs de cette coalition. Mais rares sont ceux qui ont pu pénétrer dans ses appartements privés.

Burkina Faso : Blaise Compaoré, le mal du pays
La vie après le pouvoir (4/6). Exilé en Côte d’Ivoire depuis 2014, Blaise Compaoré, l’ancien chef de l’État burkinabè, vit confortablement mais rêve du jour où il pourra enfin rentrer chez lui.

Enfin un peu de divertissement. Ce 31 décembre 2018, Blaise Compaoré a été invité chez son grand ami, Adama Toungara. Dans la maison cossue du conseiller d’Alassane Ouattara, à Cocody, il y a foule. Des politiques, des entrepreneurs, des copains… C’est un des lieux les plus courus du gotha ivoirien pour célébrer la nouvelle année.

Sur les tables, il y a du champagne à volonté, des petits-fours à foison : on y mange bien, on rit, certains esquissent même quelques pas de danse. L’ancien président burkinabè adore cela, la danse, surtout la rumba et le rock and roll. Il s’amuse, Chantal, sa femme, aussi. Née Terrasson de Fougères, cette Franco-Ivoirienne est à Abidjan chez elle, près de ses sœurs, qu’elle voit souvent. Mais Blaise, lui, a du mal à s’y faire.

Voilà plus de quatre ans désormais, depuis sa fuite du palais présidentiel, le 31 octobre 2014, que l’ancien président ­burkinabè se morfond. Les hauts murs blancs de la maison prêtée par Hamed Bakayoko, le ministre ivoirien de la Défense, n’ont rien en commun avec ceux de la prison de Ouagadougou dans laquelle Gilbert Diendéré, son ancien chef d’état-major particulier et son complice de toujours, est incarcéré. Pourtant, cette vie, ce n’est pas vraiment la liberté non plus.

Angola : José Eduardo dos Santos, l’exil amer
La vie après le pouvoir (5/6). Attaqué de toutes parts par son successeur, l’ancien chef de l’État angolais vit mal la chute de son empire familial. Mais ses héritiers ne s’avouent pas vaincus.

Mi-juin, Barcelone. Sur le canapé du salon, José Eduardo dos Santos joue aux cartes avec ses petits-enfants. Publiée sur Instagram par Isabel, la fille de l’ancien président angolais, la photo donne un aperçu du quotidien de l’homme qui a dirigé l’Angola de 1979 à 2017, avant de passer la main à João Lourenço. Elle montre un retraité heureux et détendu.

Mais les apparences sont trompeuses. La nouvelle vie de José Eduardo dos Santos n’est pas de tout repos. Critiqué par son successeur – qui s’est lancé dans une croisade anticorruption –, l’ex-chef de l’État et ses proches ne sont plus vraiment chez eux en Angola. Autrefois tout-puissants, ils sont aujourd’hui sur la corde raide. Si José Eduardo dos Santos, fidèle à son caractère, reste discret, certains de ses enfants sont passés à l’offensive. Et c’est ainsi que l’ancienne famille dirigeante s’est muée en clan d’opposants à João Lourenço.

Nigeria : Olusegun Obasanjo, la retraite dorée

La vie après le pouvoir (6/6). Médiateur reconnu des crises du continent, l’ancien chef de l’État nigérian, Olusegun Obasanjo, est aussi un infatigable homme d’affaires.

«Baba » n’aime pas Lagos et il déteste Abuja. Pour le trouver, au Nigeria, il faut prendre la route, plein nord, qui part de la capitale économique, et, 100 km plus loin, débarquer dans son fief : Abeokuta, la plus grande ville de l’État d’Ogun.

Les noms des rues servent de guide : au milieu des chemins de terre, il y a le boulevard présidentiel, large et bitumé, et juste à côté la route Olusegun-Obasanjo. Elle mène en haut de la plus haute colline de la ville, là où est installée la villa de l’ancien président. Une maison plutôt sobre pour un homme qui a été deux fois chef d’État, entre 1976 et 1979 et de 1999 à 2007.

 

Source: Jeune Afrique

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