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Il est 17h18, le mercredi 1er avril 2021, lorsque le car d’une des nombreuses compagnies de transport de la région du Poro (Nord de la Côte d’Ivoire) en provenance d’Abidjan s’immobilise à sa gare principale au quartier Dem. A notre descente, l’ambiance des grands jours d’accueil des voyageurs contraste avec l’atmosphère qui s’offre à notre descente de l’autobus. La raison est toute connue. La ville de Korhogo vit au rythme des funérailles traditionnelles de feu le Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly.

Pour se faire, plus de 10 000 initiés du Poro (rite d’initiation du peuple sénoufo) venus des contrées diverses ont décidé d’accompagner à travers une grande procession de masques, l’âme de l’illustre défunt auprès de leurs ancêtres.

Étant donné le caractère sacré de la première partie des obsèques, qui s’achève le 11 avril 2011, les garants de la tradition de la ville du patriarche Péléforo Gbon, comme il est de coutume, ont intimé l’ordre aux non-initiés du poro et aux femmes d’éviter de s’aventurer sur le tronçon utilisé par les ‘’poromens’’.

A cet effet, un arrêté du Préfet de région a été signé et communiqué afin de réguler la circulation dans la ville.

Malgré les réticences du conducteur de taxi-moto qui nous transporte, de traverser la voie principale du quartier commerce, nous réussissons par le convaincre.

A la sortie de la gare, nous observons que l’avenue principale qui d’habitude grouille de monde est quasiment déserte. Bien qu’ayant reçu l’information de la fin de la procession des initiés du poro, nous restons prudents. Soro Wanignon, le conducteur du taxi moto d’informer qu’il est vrai que la première partie du passage des masques soit achevée, mais les populations hésitent encore de s’aventurer dans les rues.

« Il faut dire que nos activités tournent au ralenti. Personne ne veut s’aventurer dans les rues du quartier Soba de peur de fâcher les initiés du poro. Tu sais que Amadou Gon est un noble. Un roi, si je peux dire ainsi. Donc tous les dangereux masques sacrés de Korhogo et des villages alliés sont là. Il faut éviter de se créer des soucis mon frère. C’est notre culture. On se doit de la respecter sans discuter », a-t-il justifié. Non sans nourrir le secret espoir de voir la ville s’animer à nouveau après la partie sacrée des obsèques traditionnels.

Pour ce qui nous a été donné de constater sur le chemin qui nous a conduit à notre lieu de résidence, c’est que l’arrêté signé préfectoral informant de la suspension des activités de commerces et de transports, sur le tronçon du grand bois sacré ‘’sézangboh’’ à la place publique ‘’kafoudal’’ en passant par le centre-ville, est suivi à la lettre.

Les banques et les commerces longeant la voie principale sont hermétiquement fermés.

Aucun client n’est visible aux différents guichets automatiques des dites banques.

A quelques mètres de là, sur la gauche de l’avenue en venant de la grande mosquée du quartier Kôkô, c’est le même décor. Au marché central, aucun commerçant n’a osé défier l’ordre des autorités traditionnelles. Tous les magasins ont baissé pavillon tout comme les administrations.

Pareil pour les stations-services situées de part et d’autre du rond du marché. Elles ont suspendu la vente du carburant.

Le calme précaire qui prévaut au centre-ville contraste cependant avec les quartiers périphériques où la vie continue son cours normal, à l’image du quartier petit-paris où nous résidons.

Tenan Sientienwin

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