PARTAGER

Incapables de suivre le rang à un guichet à la banque, d’attendre leur tour à l’hôpital, à la gare de bus… les Ivoiriens font le lit de toutes les magouilles. La Côte d’Ivoire, le pays où on peut contourner tous les ordres établis sans que les personnes autour en soient interloquées.

Tout devient business à proprement dit. Que ce soit les pleureuses professionnelles lors des funérailles à Abidjan qui banalisent la mort, la vente de parcelles de terre au cimetière pour enterrer nuitamment un proche parent décédé parce qu’on ne veut pas suivre la procédure normale, la fraude sur le réseau électrique et de l’eau, les concours qu’on paye pour être admis dans les grandes écoles, etc. tout y passe. Même en prison, il y a des passe-droits. Et la magouille est sue de tous. Rien de tout cela ne choque vraiment l’Ivoirien.

Certains sont prêts à filer un billet de banque au vigile ou à l’agent commis à la sécurité pour montrer qu’ils sont plus pressés que les autres.

Des automobilistes sont mêmes prêts à payer 1000 ou 2000 francs au policier pour ne pas respecter la limitation de vitesse, au risque de faire un accident qui va endeuiller plusieurs familles.

Autant de petits comportements qui montrent que même avec tout l’or du monde, les meilleures routes, le développement sera un leurre pour nous.

En faisant croire qu’on est plus pressé que les autres, c’est tout le système qu’on met en retard.

En Belgique, les automobilistes marquent l’arrêt au feu tricolore quand il est au vert, si des piétons veulent traverser la voie. Ici, les piétons ont du mal à pouvoir passer même quand le feu est au rouge pour les voitures et motos. La perte de repères fait donc tanguer la société ivoirienne.

Et pourtant il suffit simplement que chacun attende son tour pour être servi à la banque, à l’hôpital, au cimetière, et partout, pour que tout aille pour le mieux. Mais non, on n’a aucun respect pour l’autre. On ne voit pas pourquoi il faut être honnête, solidaire, il ne faut pas mentir, tricher…A la perte de respect des autres, les Ivoiriens ont depuis longtemps ajouté la perte du respect de l’Etat.

Beaucoup ne respectent pas les décisions gouvernementales; interdiction de fumer en public, de téléphoner en conduisant… Ainsi des gens arrachent les feux tricolores sous le regard de tout le monde pour juste l’aluminium qui s’y trouve, certains utilisent des véhicules de service à des fins personnelles, ou d’autres font de l’absentéisme avec la bénédiction de collègues.

La psychologie nous apprend que les gens inversent souvent les valeurs : ils déclarent mauvais ce qui est désirable pour les autres, et bon ce qui représente leur condition personnelle. Et c’est vraiment dommage pour nous.

Par Stéphane Badobré

PARTAGER