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Deux syndicats de cacaoculteurs ont lancé une «grève illimitée» le mardi 12 octobre 2021 pour, disent-ils, réclamer principalement des primes de soutien promises pendant la période de Covid-19. Il s’agit d’une branche qualifiée de «dissidente» de l’Association nationale des producteurs de Côte d’Ivoire (Anaproci) et le Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (Synapci). Ils encouragent les planteurs à manifester dans les zones de production en refusant de vendre leurs fèves.

Les reproches au CCC. Le prix garanti au planteur de cacao a baissé pour la campagne principale de la nouvelle campagne 2021/22 qui a démarré le 1er octobre. Il reçoit 825 FCFA par kilo cette année contre 1000 francs l’an passé. Les producteurs de café eux sont payés à 700 FCFA/kg contre 550 FCFA pour la campagne précédente soit une hausse de 27,27%. N’empêche qu’avant la fixation de ces prix, lesdits syndicats avaient commencé à donner de la voix. Selon nos sources, le 28 septembre dernier, dans une lettre commune, l’Anaproci et le Synapci avaient déposé auprès du ministère de l’Agriculture un préavis de grève pour le 12 octobre. Ils réclamaient le paiement de FCFA 17 milliards promis par le gouvernement aux producteurs avant la rentrée scolaire du 13 septembre pour faire face aux effets négatifs de la Covid-19 sur leurs activités. Mais à travers la grève, ils ont décidé de faire d’une pierre deux coups.
Selon le président du Synapci, Koné Moussa, que nous avons joint hier en soirée par téléphone, cette grève porte sur deux points de revendications : «la gestion du Dg du conseil n’est pas satisfaisante face aux problèmes que rencontre le secteur. Aussi, il nous avait promis que l’Etat ivoirien nous mettrait à disposition 17 milliards Fcfa afin de soutenir le secteur à cause des effets économiques néfastes de la Covid-19. Malheureusement, nous n’avons reçu aucune prime malgré notre insistance», a-t-il déclaré. Son allié qui revendique la présidence de l’Anaproci, Kanga Koffi, a renchéri en indiquant que «cette situation aura une répercussion sur la campagne 2021-2022 vu que certaines productions n’ont même pas encore finit de vendre leurs fèves de la campagne précédente.»
Comme il fallait s’y attendre, cette grève a été désavouée par celui qui se réclame aussi président légal et légitime de l’ANAPROCI, Boti Bi Zoua : «Ce sont des usurpateurs. Le secteur du cacao est tenté de partout par les vicieux à cause de l’argent. C’est pourquoi il faut privilégier la paix. Depuis mai 2010, nous sommes à la tête de cette structure et nous ne reconnaissons pas Kanga Koffi et sa dissidence qui ont toujours agi ainsi. En tant que membre du conseil d’administration représentant les planteurs au sein du conseil, nous avons produit un communiqué pour expliquer aux Ivoiriens ce qui se passe», a-t-il indiqué également. Après qu’il ait produit un communiqué qui dément l’affiliation de l’Anaproci à cette dissension et clarifie le quiproquo de la prime Covid-19 : «En ce qui concerne la prime Covid qui est brandie comme prétexte de revendication, l’Anaproci est consternée de constater qu’en lieu et place du bien-être des vrais producteurs, certaines personnes ne s’intéressent qu’à cette prime. Au demeurant, si une action du Conseil Café Cacao (CCC) doit être menée dans ce sens, elle est soumise naturellement au Conseil d’Administration où sont représentés les producteurs», souligne le document. Il a par la suite exhorté les productions à se conformer aux nouveaux prix bord champ et à se consacrer à la campagne en cours : «L’Anaproci lance donc un appel aux producteurs à se concentrer sur l’application effective de ce prix bord champ ; ce prix tient compte de l’environnement du moment en concertation avec les instances concernées et la sauvegarde des intérêts des producteurs», martèle le communiqué signé par Boti Bi Zoua.

Réaction. Pour avoir la réaction du CCC aux accusations portant sur les fonds réclamés par les producteurs, nous avons joint par téléphone ce jeudi matin son service de communication. Notre interlocuteur a préféré ne pas infirmer ou confirmer la disponibilité desdits fonds.
Mais une autre source proche du dossier souligne que le problème entre le CCC et les syndicats se situe au niveau de la forme du fonds attendu. Là où le Conseil café-cacao entend distribuer l’argent en nature pour procurer aux planteurs des intrants gratuits, les syndicats s’attendent à recevoir l’argent en espèces.

Avec la pandémie de Covid-19, les perspectives de croissance de la demande mondiale de cacao ont pris un coup. Celles-ci devraient se chiffrer à 1,96 millions de tonnes, soit 13,3 % de plus qu’en 2019/2020.

Impact mitigé de la grève. Si l’on en croit plusieurs sources, la grève de l’Anaproci et le Synapci n’impacte pas lourdement les expéditions de cacao de Côte d’Ivoire. Selon les chiffres du Conseil du café -cacao (CCC) et d’exportateurs en Côte d’Ivoire, 38 000 tonnes de fèves auraient été livrées lundi et mardi aux ports d’Abidjan et de San Pedro contre 25 000 t la semaine précédente.

Stéphane Badobré

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