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Dans les systèmes anglo-saxons prévaut le titre de chef de file de l’opposition politique (Cfop). Il s’agit d’une personnalité issue des partis d’opposition, généralement le parti d’opposition qui a la majorité au Parlement. Il doit servir d’interface entre le pouvoir et l’opposition pour les sujets d’intérêt national. Ce chef a généralement un statut, des avantages et des privilèges.

                                 Recul historique…

Dans le système francophone, cette idée commence à faire son chemin notamment en Afrique de l’Ouest. Dans certains pays particulièrement au Togo, Bénin, Burkina Faso, Mali et au Guinée, le poste est encadré par des textes. D’autres le mettent en pratique sans texte.

Au Burkina Faso, Stanislas Bénéwendé Sankara, président de l’Union pour la renaissance/Parti sankariste (Unir/Ps) a occupé ce poste à partir de 2010 avant de passer la main à Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le progrès et le changement (Upc).

Au Mali, le chef de file de l’opposition politique (Cfop) bénéficie des mêmes droits que le vice-président de l’Assemblée nationale. Jusqu’à son décès, Soumaïla Cissé de l’Union pour la République et la démocratie (URD), parti d’opposition comptant le plus grand nombre de députés, a joué ce rôle.

Cellou Dalein Diallo, député et président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (Ufdg), parti d’opposition à Alpha Condé, est le chef de file de l’opposition guinéenne.

En Côte d’Ivoire, les tentatives d’encadrement  ont abouti à la prise d’un décret après les élections présidentielles de 2015, lors d’un conseil des ministres. Pascal Affi N’guessan a été désigné chef de l’opposition par le gouvernement ivoirien alors qu’il était arrivé en deuxième position lors de l’élection présidentielle d’octobre 2015 avec 9% des suffrages exprimés face au candidat du Rhdp au pouvoir.

                        Leaders d’opposition ivoiriens

Avant Affi N’guessan, de 1990 à 1999, Laurent Gbagbo a joué le rôle de chef de file de l’opposition  contre Félix Houphouët-Boigny (1990-1993) et Henri Konan Bédié (1994-1999). Il a été secondé dans le cadre du Front républicain par le secrétaire général du RDR Djeny Kobinan Georges. A partir de juillet 1999, Alassane Ouattara retourne en Côte d’Ivoire après un passage au Fonds monétaire international (FMI), où il prend la tête du RDR. L’opposant historique, Laurent Gbagbo, va alors partager ce rôle avec Alassane Ouattara dans le cadre du Front républicain initié en 1995. Cette coalition va voler en éclats avec le putsch contre Henri Konan Bédié en 1999.

Laurent Gbagbo prend le pouvoir en octobre 2000. Alassane Ouattara devient alors le plus farouche opposant face à Laurent Gbagbo. Il initie avec Henri Konan Bédié,  son cher ainé et d’autres proches comme Albert Mabri Toikeusse et Anaky Kobenan le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) en 2005 depuis la France. Même lorsque Soro Guillaume dirige l’opposition armée contre Laurent Gbagbo entre 2002 et 2010, Alassane Ouattara, épaulé par Bédié, dans le cadre du Rhdp, arbore toujours la tunique de chef de file de l’opposition jusqu’à son élection en décembre 2010, puis sa réélection en 2015 et 2020.

 Affi N’guessan en perte de vitesse

Au vu du décret donnant un statut à l’opposition politique en Côte d’Ivoire, Pascal Affi N’guessan a été désigné chef de file de l’opposition politique à la suite des élections présidentielles de 2015. Il était arrivé en deuxième position avec 9% des suffrages exprimés. Aux élections de 2020, le Pdci-Rda d’Henri Konan Bédié, le FPI d’Affi N’guessan tous deux candidats face à Alassane Ouattara ont boycotté activement ces joutes électorales. Seul Kouadio Konan Bertin dit KKB, cadre du Pdci-Rda et candidat indépendant, est allé à ces élections. Au  cours de ce boycott actif, Affi a lâché son titre de chef de file de l’opposition au profit Henri Konan Bédié, qui a mis sur pied une plateforme de l’opposition dite Cdrp face au Rhdp, parti unifié au pouvoir. La Cdrp comprenait 17 mouvements et partis politiques notamment le FPI, le Pdci-Rda, l’Udpci, EDS…

Après l’échec du boycott actif et pour les élections législatives du 6 mars 2021, Henri Konan Bédié a fait une autre coalition avec EDS au détriment du FPI de Affi et de l’Udpci. L’échec du FPI qui n’a obtenu que deux sièges aux élections législatives n’a pas conforté Affi Nguessan dans sa position de leader de l’opposition.

Autre chose, à la mort prématurée du CNT, Henri Konan Bédié a ‘’brisé la glace’’ entre lui et Alassane Ouattara lors d’un tête-à-tête à l’Hôtel du golf à Abidjan sans véritablement associer ses partenaires du CNT ou de la Cdrp. En agissant ainsi, le sphinx de Daoukro se comporte comme le chef de file de l’opposition.

         Bédié, incontestable chef

Henri Konan Bédié est incontestablement le chef de file de l’opposition ivoirienne depuis sa disgrâce avec son cadet Alassane Ouattara. La création de la Cdrp et du CNT dont l’on a parlé renforce cette assertion. L’éloignement momentané de Laurent Gbagbo à la Haye et la dislocation du FPI (EDS, GOR, Pro-Simone Gbagbo, pro-Nady, Cojep) confortent l(ex chef de l’Etat ivoirien entre 1993 et 1999 dans sa position de leader. Le boycott actif a été mené à bras le corps par le Pdci-Rda dans le V baoulé, son fief grâce à l’entregent de Bédié dans cette localité.

 

Par la Rédaction

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