Conférence de presse animée ce lundi 28 avril 2025 par KOUAME Augustin, Directeur des Affaires Civiles et Pénales, dans la salle des pas perdus du TPI d’Abidjan autour du thème: Attribution et perte de la nationalité Ivoirienne d’origine : Quelles réalités ?
« Depuis quelques jours, l’actualité ivoirienne est fortement colorée par la lancinante question de la nationalité ivoirienne à la suite d’une décision de justice, l’ordonnance n°001 rendue le 22 avril 2025 par la présidente du Tribunal de première instance d’Abidjan dans le cadre du contentieux de l’inscription sur la liste électorale. Les avis sont partagés et vont dans tous les sens.
C’est le lieu de rappeler que le décret n°2021-451 du 08 septembre 2021 portant organisation du Ministère de la justice et des droits de l’homme dispose sans ambiguïté en son article 15 que «la Direction des Affaires Civiles et Pénales (DACP) assure l’application du code de la nationalité».
En propos introductif, il a été indiqué que votre serviteur est le Directeur des Affaires Civiles et Pénales (DACP). Par conséquent, je me sens interpellé sur cette question d’actualité, et il m’est apparu opportun et nécessaire d’apporter un éclairage sur la problématique à travers la thématique: Attribution et perte de la nationalité ivoirienne d’origine : Quelles réalités ?
Ce sujet sera développé à la lumière de la loi n°61-415 du 14 décembre 1961 portant code nationalité Ivoirienne 1.
Ledit code, en son article premier, dispose que : « la loi détermine quels individus ont à leur naissance la nationalité ivoirienne à titre de nationalité d’origine. La nationalité ivoirienne s’acquiert ou se perd après la naissance par l’effet de la loi ou par une décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi».
On le voit, on a la nationalité ivoirienne, soit par attribution (nationalité d’origine par filiation, par le sang ) soit par acquisition. Dans ce dernier cas , il y a plusieurs voies, mécanismes :
– L’acquisition de plein droit : adoption (art 11 CN), mariage (art 12 CN)).
L’acquisition de la nationalité par déclaration (les textes relatifs à ce mode d’acquisition de la nationalité ont été abrogés par la loi du 21 décembre 1972).
– L’acquisition de la nationalité ivoirienne par décision de l’autorité publique [naturalisation (art 25 et suivants CN), réintégration (art 34 et suivants CN)].
BON A SAVOIR
Comme la naturalisation, la réintégration n’est pas automatique. Elle passe par un décret, après une instruction administrative, et elle peut être refusée en fonction, notamment, du comportement, ou de la situation administrative de l’intéressé.
La réintégration est un mode d’acquisition de la nationalité par l’autorité publique.
Dès lors, celui qui a une nationalité ivoirienne par attribution ne peut faire l’objet d’une réintégration , s’il advenait qu’il perde cette nationalité par l’effet de la loi. il recouvre sa nationalité d’origine automatiquement dès que le fait générateur de la perte aura disparu.
Dans le cadre de notre modeste conférence seule l’attribution de la nationalité à titre de nationalité d’origine et sa perte, focaliseront notre attention en ce qu’elles constituent le centre d’intérêt de l’actualité.
I. L’ATTRIBUTION DE LA NATIONALITÉ IVOIRIENNE À TITRE DE NATIONALITÉ D’ORIGINE (ART 6 CN)
Cette partie de notre analyse sera l’opportunité d’évoquer la nationalité d’origine (A) et la question de son cumul avec une autre nationalité (B).
A. La notion de la nationalité Ivoirienne d’origine
La nationalité s’entend du lien juridique qui rattache un individu à un Etat, créant des droits (protection de l’Etat) et des devoirs (ex : l’allégeance
– Reconnaître son autorité (respecter ses lois, institutions, chefs d’État).
– Lui être fidèle (ne pas agir contre ses intérêts, ne pas soutenir ses ennemis).
– Accomplir des devoirs civiques (payer ses impôts, faire son service militaire si obligatoire, participer à la vie démocratique comme voter)) à l’égard de cette personne vis-à-vis de l’Etat dont il est le national.
L’attribution de la nationalité ivoirienne, à titre de nationalité d’origine, se fait par le droit du sang, et procède du fait de naitre d’un parent ou des deux parents ivoiriens (art 6 CN). Elle se distingue de l’acquisition de la nationalité ivoirienne qui est l’hypothèse d’une personne qui accède à ladite nationalité qu’elle n’avait pas ou qui l’a perdue antérieurement.
La nationalité d’origine s’impose à l’enfant de par sa filiation est prévue par l’article 6 du code de la nationalité et C’est au regard de ce texte, que Madame la Présidente du Tribunal, dans sa décision du 22 avril 2025 à la page 34 paragraphe 4 a conclu, après une rigoureuse démonstration que M. THIAM est né ivoirien, de père et de mère.
On peut se poser la question de savoir si un ivoirien d’origine peut cumuler sa nationalité ivoirienne avec une autre nationalité ?
B. Le cumul de la nationalité ivoirienne d’origine avec une nationalité étrangère
La question de la binationalité, ou double nationalité, est une problématique complexe qui nécessite d’être abordée avec nuance, en tenant compte des différentes situations et en distinguant soigneusement les cas particuliers. Elle signifie qu’une personne possède simultanément la nationalité de deux pays.
Cela peut arriver de plusieurs façons :
Par naissance : par exemple, un enfant né de parents de deux nationalités différentes, ou né dans un pays qui accorde la nationalité automatiquement à la naissance (le droit du sol).
Le cas de ces personnes ne pose pas de difficulté majeure car elles ont la double nationalité par attribution , par filiation. On ne peut reprocher à un enfant d’être né de parents de nationalité différente car ces nationalités s’imposent à lui.
• Par mariage : en Côte d’Ivoire, l’ étranger ou l’étrangère qui épouse un ivoirien ou une ivoirienne peut acquérir la nationalité ivoirienne et cumuler cette nationalité avec sa nationalité d’origine si sa loi nationale le permet
• Par naturalisation : une personne qui obtient une seconde nationalité sans devoir renoncer à sa nationalité d’origine. Cette binationalité n’est pas admise en Côte d’Ivoire , et l’ interdiction résulte de l’article 48 alinéa 1 du CN qui sanctionne ce cumul en ces termes : «perd la nationalité ivoirienne, l’ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaitre une telle nationalité».
Dans le cas de M. THIAM, il a été plaidé par ses avocats sa binationalité pour être né d’un père français et d’une mère ivoirienne . Cette plaidoirie avait un intérêt important, considérable . Elle venait à soutenir que M. THIAM étant binational par filiation, l’article 48 alinéa 1 du CN ne lui était pas applicable.
Il incombait dès lors à ses conseils d’administrer la preuve de leurs allégations, c’est-à-dire prouver comme ils le soutenaient, que M. THIAM était né d’un père français et d’une mère ivoirienne. Ils n’ont pas pu rapporter cette preuve ; c’est que nous dit le juge à la page 33 paragraphe 4 et 5 ) de sa décision. Ensemble parcourons les motifs retenus par le juge sur ce moyen : «il n’a pu, en dehors de ses déclarations, établir la nationalité française dont aurait joui son père à un moment donné de son existence».
Et le juge de poursuivre : «sur ce point, d’ailleurs, pour faire la preuve de la nationalité du père de M. THIAM , son conseil, Maitre DADJE Rodrigue verse aux débats une feuille volante non authentifiée portant l’inscription , au feutre, de la mention Etat civil européen (ECE 1962) à laquelle est annexée une copie presque illisible de l’acte de naissance n°394 de Monsieur THIAM Cheick Tidjane, dressé sur le 102ème feuillet du registre de naissance.
De l’analyse des énonciations de cet acte de naissance, il ne ressort nullement que le père du détenteur, Monsieur Amadou THIAM, né à DAKAR au SENEGAL le 05 août 1923, Directeur de radio, est de nationalité française».
Il convient, à ce niveau de rappeler comment s’administre la preuve de la nationalité en France.
La nationalité française peut se prouver de plusieurs façons, selon ta situation:
1. Par la possession d’un document officiel :
o Carte nationale d’identité ou passeport français valide : ces documents font présumer la nationalité française.
2. Par un acte de naissance :
o Un acte de naissance français qui indique « français » dans les mentions marginales (par exemple « français(e) par filiation ») peut servir de preuve.
3. Par un certificat :
o Certificat de nationalité française (CNF) : délivré par le greffe du tribunal judiciaire (sur demande), il est la preuve officielle de la nationalité. On peut en avoir besoin si la
situation est compliquée (parents étrangers, naturalisation, etc.).
4. Par jugement :
o Si un tribunal a reconnu ta nationalité française dans une décision, celle-ci vaut preuve.
5. Par filiation ou naissance en France :
o Tu peux aussi prouver ta nationalité par transmission (parents français) ou naissance (si certaines conditions sont remplies), mais il faudra souvent produire plusieurs actes (actes de naissance, actes de mariage, etc.) pour reconstituer l’histoire familiale.
On pourrait alors s’interroger sur le point de savoir si dans le cas de l’espèce, l’une quelconque des preuves ci-dessus a été versée au dossier de la procédure.
Il semble que non ! seule une feuille volante non authentifiée a été produite, et le juge a jugé souverainement que cette pièce était insuffisante en preuve.
Dès lors, il se pose la question de savoir si une personne née ivoirienne de père et de mère peut perdre la nationalité ivoirienne d’origine ?
II. LA PERTE DE LA NATIONALITÉ IVOIRIENNE
L’article 1er de la loi sur la nationalité dispose que : « la nationalité ivoirienne
….se perd après la naissance par l’effet de la loi ou par une décision de l’autorité publique prise dans les conditions fixées par la loi ».
Evacuons l’hypothèse de la perte de la nationalité par décision de l’autorité publique car elle ne concerne pas l’actualité .
A. La perte de la nationalité ivoirienne d’origine par décision de l’autorité publique
Cette hypothèse se retrouve dans plusieurs cas :
– L’article 48 alinéa 2 : cet alinéa de l’article 48 est une exception au principe posé par l’article 48 alinéa 1 concernant la perte automatique de la nationalité en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère par un majeur.
Ainsi l’article 48 al 2 dispose: «Toutefois, pendant un délai de quinze ans à compter de l’inscription sur les tableaux de recensement, la perte est subordonnée à l’autorisation du Gouvernement par décret pris sur rapport du Garde des Sceaux des Sceaux, Ministre de la justice , et après avis du Ministre de la Santé publique et du Ministre de la Défense».
Avant de donner la signification de ce texte, il convient de faire un exercice de clarification sur l’expression «l’inscription sur les tableaux de
recensement».
En effet, l’article 6 de la loi 61-210 du 12 juin 1961 sur le recrutement des forces armées dispose : «chaque année, les tableaux de recensement des jeunes gens ayant atteint, ou devant atteindre l’âge de 20 ans révolus au cours de
l’année et habitant dans la circonscription d’une sous-préfecture ou d’une commune de plein exercice sont dressés dans les formes fixées aux articles 7 et 8».
Au regard de ce texte , le recensement évoqué à l’article 48 al 2 du CN est celui du recensement militaire et non du recensement général de la population.
C’est à juste raison que le juge a retenu dans ses motifs (page 34 paragraphe 2) «qu’il est unanimement admis que les tableaux de recensement auxquels il est fait référence sont ceux au titre du recensement militaire».
Que retenir de l’article 48 al 2 CN ?
Il faut retenir que alinéa 2 de l’art 48 du CN est une exception au principe de la perte automatique de la nationalité posé à l’alinéa 1er dudit article.
En cela, le majeur qui est recensé militaire et qui volontairement acquiert une nationalité étrangère ou qui déclare reconnaitre une telle nationalité , ne perd pas automatiquement la nationalité ivoirienne . Il ne peut la perdre que par décret pris sur rapport du Garde des Sceaux, ministre de la justice après avis du ministre de la santé publique et du ministre de la Défense.
Si l’un de ces avis est négatif, alors la personne concernée retrouve sa liberté de perdre la nationalité ivoirienne si elle acquiert volontairement une autre nationalité .
Par ailleurs, la personne concernée peut perdre automatiquement sa nationalité ivoirienne quinze ans après son inscription sur le tableaux de recensement militaire.
Outre l’hypothèse de l’article 48 al 2 CN, il y a également perte de la nationalité par décret selon les dispositions des articles suivants :
Art 52 CN : concerne le fait de se comporter comme le national d’un autre pays
.A cet égard, l’article 52 du CN dispose : «l’ivoirien qui se comporte en fait comme le national d’un pays étranger peut d’office, s’il a également la nationalité de ce pays, être déclaré, par décret, avoir perdu la qualité d’ivoirien».
Art 53 CN : Aux termes de l’article 53 nouveau du CN telle que modifiée par la Décision n° 2005-03/PR du 15 juillet 2005, perd la nationalité ivoirienne, six mois après injonction du Gouvernement, l’ivoirien, qui, remplissant un emploi dans un service public d’un Etat étranger ou dans une armée étrangère, le conserve nonobstant l’injonction de le résigner qui lui aura été faite par le Gouvernement
ivoirien.
Au-delà de ces cas de perte de nationalité ivoirienne d’origine par décision de l’autorité publique, il y a le cas de perte de la nationalité ivoirienne d’origine par
l’effet de la loi.
Dans le cas d’espèce, M. THIAM a perdu la nationalité ivoirienne d’origine, non par décision de l’autorité publique (art 48 al 2, art. 52 CN), mais par l’effet de
la loi elle-même.
A. La perte de la nationalité ivoirienne par l’effet de la loi
Cette hypothèse est illustrée par l’article 48 al 1 du Code de la nationalité qui dispose : «Perd la nationalité ivoirienne, l’ivoirien qui acquiert volontairement une nationalité étrangère, ou qui déclare reconnaître une telle nationalité.»
Ici , la perte de nationalité n’est pas le fait d’une quelconque autorité publique ;
elle est du fait de la loi. Il n’est pas besoin d’un décret parce que la perte est automatique. C’est cette réalité qu’exprime clairement le juge dans son ordonnance du 22 avril 2025 ( page 33 paragraphe 1 ) en énonçant qu’il ressort de l’article 48 que «l’ivoirien majeur qui opte volontairement pour une nationalité étrangère ou qui déclare expressément reconnaitre une telle nationalité, perd automatiquement le bénéfice de la nationalité ivoirienne, et partant des droits et obligations découlant de cette nationalité ivoirienne».
Cette juste application de la loi ne procède pas d’une interprétation opportuniste ou circonstancielle. En effet, cette interprétation résulte d’une circulaire interministérielle (Justice, intérieur, défense, finances, affaires économiques et du plan, santé publique et de la population) du 25 avril 1962 dont le titre IV intitulé «Perte de la nationalité ivoirienne » tranche la question.
Sous ce titre, il a été clairement retenu relativement à l’article 48 que l’Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd d’office la nationalité ivoirienne sans que le Gouvernement soit tenu de prendre un décret.
Il convient de faire observer que cette interprétation date d’avant la naissance de la plupart d’entre nous ici y compris M. THIAM qui est né le 29 juillet 1962 soit trois mois après la circulaire. Cela témoigne aisément de la sincérité de l’interprétation retenue.
Certains, ironiquement soutiennent que le juge a fait application de cette circulaire au lieu d’appliquer la loi elle-même.
Cette allégation ne parait pas satisfaisante pour l’esprit car la circulaire interministérielle du 25 avril 1962 est une circulaire interprétative adressée à un certain nombre d’acteurs essentiels de la mise en œuvre du code de la nationalité dont le premier président de la Cour d’appel d’Abidjan et le Procureur Général près ladite Cour, les présidents de Tribunaux, les juges de sections de tribunal , les juges de paix, les procureurs de la République.
La circulaire interprétative, nous le savons n’a pas de valeur normative propre;
elle vise à donner des instructions ou précisions destinées à faciliter , dans toute la mesure du possible, la mise en application de la loi portant code de nationalité qui venait d’entrer en vigueur. Son application revient à l’application
de la loi qu’elle est sensée interpréter.
Par ailleurs, il se posait la question de savoir si le juge pouvait décider comme il l’a fait alors que M. THIAM avait versé à son dossier un certificat de nationalité ivoirienne qui n’a jamais été annulé ?
La réponse à cette interrogation réside dans l’article 98 du CN d’où il résulte que le certificat de nationalité ivoirienne fait foi jusqu’à preuve du contraire.
En l’espèce, la preuve contraire a été offerte par le décret de naturalisation de M. THIAM publié au journal officiel de la République française du 1er mars 1987.
Dès lors, par application de l’article 48 alinéa 1 du CN, M. THIAM avait perdu la nationalité Ivoirienne depuis ce décret , de sorte le certificat de nationalité dont il se prévaut, délivré antérieurement à la découverte de sa naturalisation, n’a plus de valeur probante.
Ainsi, il n’était pas nécessaire pour le juge d’attendre un quelconque contentieux de la nationalité au sens de l’article 82 du CN pour vider sa saisine sur le contentieux de l’inscription sur la liste électorale qui lui était soumis.
Cette décision du juge s’inspire de l’affaire TIOTE Richard Souhaluo, où la CEI avait enregistré et validé la candidature de celui -ci qui justifiait d’ une carte d’identité ivoirienne alors qu’il était établi qu’il avait préalablement été naturalisé français.
Le conseil constitutionnel saisit de l’éligibilité des candidats aux élections parlementaires a invalidé la candidature de M. TIOTE en constatant la perte d’office de sa nationalité ivoirienne par application de l’alinéa 1 de l’article 48 du CN.
Or les décisions du conseil constitutionnel s’imposent aux autorités juridictionnelles (article 138 de la constitution ivoirienne). Par conséquent, c’est à bon droit que le juge a constaté la perte de la nationalité ivoirienne de M. THIAM et ordonné sa radiation de la liste électorale provisoire.
Il convient de saisir l’opportunité pour préciser la nature du certificat de nationalité ivoirienne. Dans ce sens, on peut se poser la question de savoir si le certificat de nationalité est attributif de la nationalité ivoirienne ?
Le certificat de nationalité ivoirienne est un document de caractère administratif qui n’est pas « attributif » de la nationalité.
C’est-à-dire qu’il ne crée pas la nationalité ivoirienne : Il certifie simplement que son détenteur est déjà ivoirien selon la loi.
En résumé :
• Le certificat ne donne pas la nationalité ;
• Il prouve que son détenteur l’a déjà par filiation, par adoption, par mariage, par déclaration ou par naturalisation etc.
Par conséquent, celui qui n’est pas ivoirien au moment où il fait sa demande, le certificat de nationalité ne peut pas le rendre Ivoirien.
B. Les effets de la perte de la nationalité ivoirienne
A la page 35, 1er paragraphe de son ordonnance n°01 du 22 avril 2025, le juge a énoncé dans ses motivations le raisonnement suivant : «…. Depuis le 24 février 1987, Monsieur THIAM, pour avoir volontairement acquis la nationalité française, suite à sa naturalisation, et ce, alors qu’il était majeur, a automatiquement perdu, par l’effet de l’article 48 du code de la nationalité ivoirienne, la nationalité ivoirienne».
On sait également que par décret du 19 mars 2025 signé par le premier ministre français et publié au journal officiel de la République française, Monsieur THIAM s’est libéré de son allégeance française.
Au regard de ces deux faits, il revient, de façon récurrente et persistante que M. THIAM serait devenu apatride.
Une telle conclusion d’apparence logique, ne manque pas d’être spécieuse ; elle invite alors à l’analyse rigoureuse.
L’apatridie n’est pas une notion abstraite mais réelle qui a un contenu précis.
La Convention de 1954 relative au statut des apatrides, en son article
premier donne la définition juridique d’un apatride comme «une personne qu’aucun Etat ne reconnait comme son ressortissant par application de sa législation».
En des termes plus simples, cela signifie qu’un apatride est une personne qui ne possède la nationalité d’aucun pays.
En l’espèce, est-ce que M. THIAM ne possède la nationalité d’aucun pays ?
Certes, par sa naturalisation en mars 1987, il était devenu Français et qu’il s’est libéré de son allégeance française depuis le 19 mars 2025.
Par cette libération de son allégeance à un pays étranger, M. THIAM qui était ivoirien par sa naissance, par le droit du sang, retrouve automatiquement sa nationalité ivoirienne qu’il avait volontairement mise en hibernation, en dormance.
En effet, de même qu’il a perdu sa nationalité ivoirienne d’origine de façon automatique par l’effet de l’acquisition de la nationalité française, de même, dans le respect du parallélisme des formes, il recouvre sa nationalité ivoirienne automatiquement, sans formalité et ce, depuis sa libération de son allégeance française le 19 mars 2025.
Dès lors, l’argument tendant à soutenir qu’il doit se faire délivrer un décret de réintégration avant de recouvrer sa nationalité ivoirienne, est dénué de pertinence en ce que M. THIAM est ivoirien par attribution et non par acquisition. Il en est ainsi parce que sa naturalisation n’a pas eu pour effet d’abolir sa filiation, de sorte que sa filiation demeurant, il recouvre d’office sa nationalité ivoirienne d’origine attribuée dès sa naissance.
Au total, M. THIAM n’a jamais été apatride et n’est pas apatride parce qu’il est indiscutablement ivoirien selon le code de la nationalité ivoirienne ».