Macky Sall est otage de la situation que traverse la France dans ses colonies en Afrique. Il est donc plus à plaindre qu’à blâmer.
La France traverse actuellement une passe délicate dans toutes ses colonies en Afrique. Si elle a déjà perdu la bataille de l’opinion publique Africaine qui estime, dans sa très grande majorité, que la nature de ses relations avec les pays africains doit radicalement changer, elle peut toujours compter sur une poignée de dirigeants africains qui eux pensent le contraire. Ces derniers font ainsi office de sentinelles ou de hussards d’un ordre que la France veut absolument voir se perpétuer en dépit de tout.
Dans cette croisade qui ressemble à un combat d’arrière-garde désespéré, la France est confrontée dans son pré-carré, âprement convoité par d’autres puissances, à des gouvernements ouvertement hostiles et à d’autres qui se montrent de plus en plus exigeants et indépendants dans la définition de leurs politiques étrangères et domestiques.
Tous les changements anticonstitutionnels de ces dernières années ont eu pour moteur et pour effets la volonté de se défaire de l’empire de la France sur la gestion des pays concernés. Il s’agit dès lors, pour la France et ses hussards locaux de veiller à ce que les alternances « démocratiques » n’aboutissent elles aussi aux mêmes situations que les coups d’État.
Dès lors, il y a en amont des élections, une sorte de casting pour favoriser LE CANDIDAT à même de préserver le statu quo en servant de digue pour contenir les vagues susceptibles de balayer l’influence française et également pour éliminer ceux qui sont prédestinés à devenir «un problème».
C’est cette situation qui oblige Macky Sall à se poser à son corps défendant ou volontairement en sauveur d’un monde voué à disparaître et qui demeure pour lui le meilleur qui soit. Cela est d’autant plus impérieux pour lui et ses mandants que les prises de positions publiques d’Ousmane Sonko ne laissent aucune ambiguïté sur ce que sera les relations entre la France et le Sénégal, s’il arrive à se hisser à la tête de son pays. Il a d’ailleurs vingt et cent chances d’y parvenir très facilement à condition bien sûr d’être autorisé à compétir.
Il convient donc pour un Macky Sall, habité par la certitude que l’élection de Sonko à la Présidence de la République équivaudra à un bouillon de 11 heures pour l’excellence des relations entre la France et le Sénégal, d’utiliser tous les moyens sous le couvert de la légalité pour empêcher l’avènement de thermidor.
Si le viol a été difficile à prouver, qu’à cela ne tienne, la corruption de la jeunesse est un crime hautement plus grave et facile à démontrer sur la base d’une simple anthologie des prises publiques de paroles du tueur de monde.
Sauf que faire prendre conscience à la jeunesse de l’imposture dans laquelle baigne son pays depuis 1960 en matière d’indépendance et de souveraineté est pour une très large frange de l’opinion sénégalaise et africaine, une corruption salvatrice dont l’initiateur mérite d’être récompensé et non embastillé. Toute chose qui fait passer Macky Sall pour le méchant dans le film.
Dès lors, si Macky Sall veut occuper dans l’histoire de son pays et dans la mémoire collective des africains une place honorable, il doit se libérer lui-même de cette posture d’otage d’une cause qui ne coïncide pas avec les intérêts de son peuple, notamment les jeunes (corrompus ou pas) et éviter ainsi que le malheur ne s’installe au pays de la terenga. Ceux qui fondent désormais l’Histoire en Afrique sont les jeunes et tous doivent composer avec cette réalité.
Moritié Camara
Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales
