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Mme M.K. ne passe pas inaperçue ce lundi matin dans le hall de Tour C à la cité administrative au Plateau. Assise à même le sol, le regard dans le vide, elle tient en main une lettre de son employeur. Elle vient de perdre le boulot d’agent d’entretien qu’elle exerce à un des étages de cette cité depuis plus d’une décennie. La raison banale est que le ministère ne paie pas la société qui l’emploie. Depuis trop longtemps, les impayés s’accumulent et les petits travailleurs en font les frais.

C’est que depuis quelques années, tous les collaborateurs non-fonctionnaires de tous les ministres et présidents d’institution sont payés sur une ligne budgétaire au Trésor dénommée Convention Bnetd (Bureau national d’études techniques et de développement).

Bon système mais…

Le Directeur des affaires financières (DAF) gère les prestataires de service (sécurité et nettoyage) et les agents contractuels conformément aux instructions du ministre.

Les ministres chargés du Budget et des Finances donnent instruction au Directeur général du Trésor et de la Comptabilité publique de payer les salaires des fonctionnaires, des agents de l’Etat et des agents contractuels des Etablissements Publics Nationaux, des projets, des Collectivités décentralisées, des Agences d’exécution, des Experts des conventions BNETD-Régie et des agents contractuels gérés par les sociétés prestataires de service.

En effet, cette disposition est une procédure habituelle exécutée au début de chaque année pour certains types de dépenses dont les salaires et les dépenses d’abonnement, en vue d’assurer leur paiement à bonne date.

Ces dépenses sont normalement engagées par les gestionnaires des crédits et les ordonnateurs délégués sur le budget de leurs structures, dès qu’ils ont réalisé les formalités administratives d’habilitation à exécuter le budget.

La réalisation de ces formalités peut connaître des retards, avec le basculement en mode budget-programmes où les ministres en charge de la gestion des finances publiques donnent exceptionnellement instruction au Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique d’exécuter ces dépenses particulières plutôt que d’attendre les engagements des gestionnaires de crédit et ordonnateurs délégués.

Dès que les formalités administratives sont remplies par ces derniers, les dépenses sont régularisées par les acteurs concernés de la dépense publique sur les crédits budgétaires ouverts à cet effet.

Les salaires sont versés, comme à l’accoutumée, aux périodes habituelles de paiement grâce à cette disposition particulière.

Chaque ministère dispose donc d’un budget pour payer ce personnel non fonctionnaire.

Le principe est qu’en début d’année, chaque ministre envoie la liste de ses collaborateurs au ministre de l’Economie, en précisant le salaire qu’il donne à chacun. Les contrôleurs financiers et budgétaires valident alors et ordonnent le paiement au Trésor.

Dans les faits, le contrôle se fait de façon manuelle. En principe, le système de paiement est irréprochable mais c’est la gourmandise de certains dirigeants qui gangrène tout.

Selon plusieurs sources proches de certains ministères et institutions, toute l’année, le magot est utilisé à d’autres fins.

Un calvaire

Ce qui fait que les centaines d’agents non fonctionnaires de l’Etat de ces organismes sont seulement payés 2 ou 3 ou 4 fois dans l’année. Ils voguent donc la galère.

Chaque fois, un prétexte est évoqué pour justifier la longue attente: un nom incorrectement écrit, une erreur sur un seul matricule, etc. Et les travailleurs doivent prendre leur mal en patience ne sachant à quel saint se vouer.

Seuls les ministres ‘’humains’’ et responsables exigent que leurs collaborateurs perçoivent chaque mois leurs salaires et leurs primes. Les autres luttent ces droits avec eux comme s’ils devaient leur emploi à la magnanimité des collaborateurs du ministre.

C’est ainsi que dans certains ministères, et ils sont nombreux, les salaires de novembre 2020 ont été payés en janvier 2021 c’est-à-dire après les fêtes. Les agents étant toujours en attente des salaires de décembre et du renouvellement annuel de leurs contrats à ce jour. Même les hauts cadres de l’administration nommés par décret du Président de la République n’échappent pas à ces magouilles puisque leur prise en charge par la Fonction publique dépend de l’humeur de leur ministre de tutelle.

Comment résister à la corruption lorsque le gouvernement est gangrené par de tels problèmes de gestion humaine ?

C’est le cri du cœur de milliers d’agents de l’Etat qui broient du noir dans l’administration publique.

Stéphane Badobré

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