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Alors que le gouvernement tente de mettre en place un programme d’accueil et que les chiffres des migrants vénézuéliens ne cessent de croître (plus de deux millions), des maisons d’accueil éphémères ou solidaires à l’initiative de citoyens fournissent un peu d’aide. Pour le moment, malgré l’annonce du document Conpes, dont l’objectif est de faciliter l’accueil des Vénézuéliens, il n’existe pas encore de refuge officiel géré par une ONG ou institution. A Tunja près de la capitale Bogota, une Vénézuélienne a donc monté son propre refuge. Anny Uribe fait face aux difficultés et à la douleur de ses compatriotes. Chaque jour près de 200 migrants épuisés et détruits sont hébergés dans son refuge.

De l’extérieur, rien ne fait penser à un refuge. Pourtant, à une cinquantaine de mètres de la gare routière de Tunja, une ville de 200 000 habitants, deux maisons collées l’une à l’autre accueillent des migrants vénézuéliens tous les jours. Pas de pancarte informative à l’entrée. Tout le monde connait le refuge pour Vénézuéliens. La direction travaille en collaboration avec la police présente dans la gare pour informer les migrants. En quelques mois d’existence, le bouche à oreille a multiplié par quatre la fréquentation du centre. Plus de 5 000 personnes y ont séjourné en cinq mois.

Anny, une avocate à la poigne de fer

Lorsque la directrice du refuge, Anny Uribe, a décidé d’ouvrir en juillet 2018, il n’y avait rien, pas même des couvertures ou des matelas. « La première nuit, on a eu une soixantaine de personnes, arrivées en moins d’une heure. On s’est débrouillé avec les moyens du bord, le temps de s’organiser. Je ne pouvais pas rester les bras croisés. Je suis Vénézuélienne et cela me fait mal de les voir souffrir. Chaque fois qu’un migrant arrive ici, j’ai l’impression de voir un neveu, un cousin, un membre de ma famille. J’ai laissé les miens là-bas. Ils sont trop âgés pour voyager. Ce refuge, c’est comme si je les accueillais. »

Cette ancienne avocate de 49 ans exprime ces mots avec des larmes. Elle vivait au Venezuela avant de se retrouver bloquée en Colombie lorsque, durant un voyage d’affaire à Bogota, le gouvernement colombien bloque ses avoirs. La douleur est palpable dans son être tout comme pour l’ensemble de ses visiteurs. Anny raconte que le mois dernier, un bébé d’un mois et demi est décédé d’un choc respiratoire en arrivant au refuge. Une épreuve pour tous, elle, sa famille et ses 22 employés (d’anciens migrants vénézuéliens restés pour l’aider dans son projet solidaire).

Malgré sa petite taille, Anny Uribe a du caractère. Tout le monde la respecte comme une mère. On l’appelle « la Doctora », en référence à sa carrière juridique. Attentive à chacun, Anny nous avoue qu’elle passe toutes ses journées au refuge. Dans son bureau, son sofa lui sert régulièrement de lit. « J’ai la responsabilité de ces familles. Alors, je fais marcher les relations pour vérifier que chaque personne qui entre ici n’a aucun antécédent judiciaire. A leur arrivée, on leur demande leur carte d’identité vénézuélienne. On les note dans un registre. Si les gens voyagent avec des mineurs, ils doivent présenter le certificat de naissance de l’enfant et les documents qui prouvent que ce sont ses parents. Quand les mineurs ou enfants arrivent seuls, on appelle l’institution de l’enfance “Bienestar” pour leur confier les mineurs. »De nouveaux refuges en préparation

Même si Anny Uribe affirme avoir des problèmes financiers pour payer l’ensemble des factures de son premier refuge. Elle s’active pour organiser la solidarité avec le soutien de la « Colonie Vénézuélienne de Colombie », un réseau d’anciens hommes politiques et dirigeants sociaux d’opposition du Venezuela. « On est en train de monter un réseau de volontaires, depuis Cucuta dans le nord, jusqu’à Pasto dans le sud. Le but est d’éviter la mort de Vénézuéliens sur la route. Je peux vous confirmer que plus de 300 Vénézuéliens sont morts, en 2018, sur la route pour se rendre en Equateur. On espère donc ouvrir 5 refuges à travers la Colombie en 2019. »

Celui de Tunja est ouvert 24h sur 24, 7 jours sur 7. Chaque jour, il reçoit entre 140 et 200 personnes. Il permet aux Vénézuéliens de rester une nuit, de manger et de se laver. Un service d’infirmerie est mis à disposition et une boutique de vêtements si nécessaire. De son côté, les autorités tentent de gérer au cas par cas comme à Bogota, la capitale, où un campement de tentes a été installé dans le nord de la ville : 44 tentes pour 450 migrants sont installés depuis deux mois dans la gare routière.

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