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La géologie des failles sismiques en Haiti est bien connue. L’ile occupe une position particulière à la frontière entre les plaques tectoniques Caraïbes et Amérique du Nord. Le mouvement constant entre ces deux plaques exerce des efforts mécaniques sur ces failles qui cèdent de temps en temps, provoquant un séisme. Cette menace est non-négociable: ces failles existent depuis des millions d’années et continueront de fonctionner sismiquement pendant quelques millions d’années encore. S’installer à leur côté implique pour les Haïtiens d’accepter qu’un jour ou l’autre leur activité sismique se manifeste.

Le coup du sort

Le premier événement recensé date de 1562: il avait dévasté la première ville du Nouveau Monde, « Santiago de los Trenta Caballeros », fondée par Christophe Colomb en 1492 dès après son débarquement sur la côte nord de l’ile.

Le risque sismique est la combinaison de la menace posée par des failles capables de générer un mouvement du sol important lors de séismes et de la vulnérabilité des populations et infrastructures face à ce mouvement du sol possible.

Pistes de solutions

A l’inverse, la vulnérabilité est entièrement du ressort des populations et de leurs gouvernants. Elle et se gère par une occupation du sol raisonnée et une qualité de construction adaptée au niveau de menace. Cela demande surtout du bon sens et quelques recettes simples et bien connues des ingénieurs, architectes et urbanistes.

On doit à l’historien Moreau de Saint-Mèry (1750—1819) le premier recensement des catastrophes naturelles dans ce qui était alors appelé l’ile de Saint Domingue, pendant les occupations française et espagnole. Il rapporte 18 séismes ressentis, dont celui de 1562 mentionné plus haut, et ceux du 18 octobre 1751, du 21 novembre 1751 et du 3 juin 1770 dont les dégâts furent majeurs à Port-au-Prince.

Aujourd’hui le risque est toujours présent car ni la menace- naturelle et inexorable- ni la vulnérabilité- construite- n’ont significativement changé depuis 2010.

Le séisme du 12 janvier 2010 était de magnitude 7, c’est-à-dire proche de la puissance d’une bombe nucléaire de 5 mégatonnes. Son bilan ne sera jamais précisément établi. Selon les sources officielles haïtiennes et américaines, il s’élève à plus de 250 000 morts. Des centaines de milliers de personnes y ont été en outre gravement blessées, pour beaucoup amputées. Plus d’un million et demi de Haïtiens se sont retrouvés sans abri, relogés durant des années dans des camps de sinistrés.

Une des questions que l’on pose souvent- avec raison- concernant le séisme du 12 janvier 2010 est si son occurrence permet maintenant aux Haïtiens de “dormir sur leurs deux oreilles” pendant un certain temps. 

En effet, si un séisme libère l’énergie élastique qui s’accumule au voisinage d’une faille, on pourrait alors penser qu’il faut des dizaines d’années pour accumuler à nouveau cette énergie “perdue”. Pendant ce temps, sont-ils à l’abri?

Le séisme du 14 août 2021 vient donc rappeler que la Presqu’Ile du Sud va boire le calice jusqu’à la lie.  Un séisme de magnitude 7.2 a secoué Haïti samedi vers 8h30 heure locale, suivi peu après d’une alerte au tsunami, rapidement levée. Près de 1300 personnes sont mortes et 5700 blessés, laissant des milliers de personnes sans abri dans le sud-ouest du pays ou à la recherche de proches disparus ou bloqués sous les décombres. Le bilan pourrait s’alourdir. La tempête tropicale Grace pourrait toucher l’ile, lundi ou mardi.

Si la menace sismique est inexorable et non-négociable- mais calculable-les décisions des individus et de leurs gouvernants déterminent entièrement la capacité des constructions, des infrastructures et de l’économie à faire face à cette menace.

Les derniers séismes ayant détruit Port au Prince datent de 1751 et 1770. La ville venait d’être fondée par les Français et Louis XV l’avait proclamée capitale. À la suite des destructions, il fut interdit d’y construire autrement qu’avec du bois, ce qui était sage. Il est donc clair qu’aucune partie de ce pays n’est à l’abri de séismes destructeurs. 

En Haiti, le manque de planification urbaine, les occupations de terrain non contrôlées, les bâtiments de plusieurs étages — certains de l’administration publique — non conformes aux normes parasismiques pourtant établies pour le pays, les constructions individuelles qui ne respectent pas le B.A.BA de la maçonnerie chaîné sont autant de facteurs aggravants qui, chacun, contribuent à la vulnérabilité face au mouvement sismique du sol.

 

Bambara Soudan

 

 

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