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Le président de la République l’a annoncé dans son adresse à la Nation du 31 décembre 2019. Le Premier ministre n’a pas attendu des semaines pour le mettre en œuvre. Il s’agit du dialogue politique en Côte d’Ivoire. Après les couacs dans la mises en place, début 2019, de la Commission électorale indépendante (Cei), revoilà le dialogue politique en Côte d’Ivoire. Le gouvernement ivoirien a repris langue avec les acteurs politiques et de la Société civile depuis le jeudi 9 janvier 2020 en vue de trouver des accords sur les grands sujets qui polarisent la vie de la nation.

A 10 mois des prochaines élections présidentielles prévues en octobre 2020, il était plus que nécessaire pour ces acteurs de la vie politique de la nation ivoirienne de se retrouver. L’année 2019 s’est terminée, en effet, sur un fond de crise et de divergences profondes qui alimentent un climat de plus en plus délétère à l’approche des échéances en vue. De plus en plus, l’on redoute dans les mois à venir des scénarios déjà vécus par les Ivoiriens baignant dans psychose. L’enjeu de ce dialogue bienvenue est ainsi vite perçu pour décrisper une ambiance déjà tenue à 10 bonnes longueurs des vrais débats sur le terrain. Aussi, c’est tout à fait justifié que l’initiative du chef de l’Etat a été saluée par tous, mobilisés à y prendre par comme on l’a constaté aux premiers jours. Toutefois, ce qu’il est convenu d’appeler la « deuxième phase du dialogue politique », après le rendez-vous grippé de 2019 pourrait à nouveau achopper sur de grands sujets de divergences entre les tenants du pouvoir et leurs opposants. A commencer par les appréhensions très différentes de ce que va être ce rendez-vous autour de la même table.

Le dialogue vu par les uns et les autres

En effet, pour l’Exécutif ivoirien, représenté à cette table par le Premier ministres et son gouvernement, ce dialogue s’inscrit formellement dans la continuité. C’est la suite logique du processus électoral qui a vu la mise en place de la Cei et de ses organes dirigeants. Cette fois, il s’agit de s’accorder sur une autre étape importante à franchir qu’est l’élaboration d’un nouveau code électoral. C’est-à-dire le modus operandi devant régir l’ensemble des opérations électorales à venir.

Cette compréhension est loin d’être l’idée que se font les dirigeants de l’opposition de ce rendez-vous de janvier 2020. Pour les tenants de cette opposition, le gouvernement vient de donner l’occasion de ressasser toutes les préoccupations qu’ils n’ont eu de cesse, depuis de longs mois, de porter sur la place publique. En point de mire, il s’agit pour le Pdci, le Fpi et leurs alliés de récuser formellement la Cei actuelle et de revendiquer une nouvelle Cei consensuelle. « Nous récusons la Commission électorale indépendante (CEI) mais nous allons à la discussion avec le gouvernement parce que nous sommes convaincus qu’on va aboutir à une CEI consensuelle », dixit Maurice Kakou Guikahué, chef du Secrétariat exécutif du Pdci-Rda. Formation politique dont le président, dans une adresse, le samedi 11 janvier, face à ses partisans, a traduit son opposition à une révision annoncée de la Constitution en vigueur et réclamé la libération des dirigeants politiques détenus ainsi que l’abandon des procédures judiciaires contre certains pour établir un climat pré-électoral apaisé.

Dans la même veine, alors que les opérations de délivrance des nouvelles cartes nationales d’identité (Cni) sont en cours, le Pdci et ses alliés persistent à exiger la gratuité de cette pièce.

Sur des longueurs d’ondes différentes

S’inscrivant quasiment dans la même veine, le président du Fpi, n’en a pas moins de récrimination que les autres. Pascal Affi N’guessan, dont le parti a accepté de prendre part à la Cei actuelle, affiche de sérieuses réserves depuis l’entame de la mise en place des Commissions locales (Ceil). Le seul opposant de poids qui a accepté de collaborer et de cohabiter avec le pouvoir au sein de l’organe en charge des prochaines élections, dénonce une sorte de main-mise du parti au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes (Rhdp), sur la quasi-totalité de ces instances sur l’ensemble du territoire. Affi N’guessan parle d’une position « ultra dominateur avec plus de 96% de présence » du Rhdp. Laquelle se traduirait par la détention tout seul par le parti du président Ouattara de l’ensemble des postes, dans “un tiers des commissions locales “. C’est-à-dire, la présidence, la vice-présidence et le secrétariat technique. Toute chose qui, pour lui, ne peut concourir à la transparence des élections.

C’est clair qu’au regard de ces griefs listés, opposition et gouvernement sont sur des longueurs d’ondes différentes. Ce qui risque de plomber les débats à l’entame dans les jours à venir.

Les différents états-majors politiques, dès l’ouverture de cette phase du dialogue politique, se sont tous retirés pour élaborer leurs propositions avant de se retrouver à la table de discussion avec le gouvernement. Vraisemblablement, ces réflexions devraient progresser exclusivement sur le nouveau code électoral à élaborer sans remettre en cause ce qui passe déjà pour être des acquis au niveau de l’Exécutif. Voilà qui annonce des retrouvailles houleuses entre ces acteurs qui se regardent, s’épient, se jaugent et peinent à s’accorder sur l’essentiel. Ceci, pour préserver la Côte d’Ivoire du syndrome 2010.

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