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Un canular de mauvais goût se répandait sur Facebook le 9 mars 2021. Suite à une rumeur d’attentat, les tours administratives du Plateau étaient désertées par leurs occupants. Le 12 mars 2021, la Direction générale de la police nationale (DGPN) interpellait l’auteur de cette fausse alerte à Man.

Une vidéo diffusée le 19 mai 2021 faisant croire à l’agression d’Ivoiriens par des Nigériens a provoqué des violences dans les communes populaires d’Abobo et Yopougon, ainsi qu’à Anyama, Angré et Adjamé. Après vérification, il s’agissait en réalité d’une vidéo qui date de 2019 montrant des hommes du groupe jihadiste nigérian Boko Haram interpellés brutalement par l’armée nigériane. Ces deux faits parmi tant d’autres, assez graves, montrent que les «fake news» commencent sérieusement à nous pourrir la vie.

Il ne se passe plus de jour sans que des individus tapis dans l’ombre derrière leurs claviers ne balancent des fausses informations. Alors que l’onde de choc de l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 en Côte d’Ivoire s’estompe, certains Ivoiriens se mobilisent contre les «fausses informations», convaincus qu’elles ont joué un rôle nocif dans la campagne présidentielle ivoirienne et que leurs ombres planent sur tous les aspects de la vie ici, sur fond de perte d’influence des médias traditionnels et de craintes quant aux actions de déstabilisation et de pourrissement du climat social.

Utile, cette vaste prise de conscience doit se garder de toute simplification. Le phénomène des «fake news» ne date pas d’hier, sa mesure est difficile. Le concept même de «fausse information» – qui désigne un contenu délibérément inexact, présenté sous une apparence journalistique – recoupe d’autres réalités, comme l’intoxication à visée politique, le canular, la recherche effrénée du clic et du profit…Et surtout en Côte d’Ivoire le Buzz. Chacun veut avoir son temps de buzz auprès de la vie, de la sécurité de ses concitoyens…

Ce phénomène opère de plus en plus dans notre pays où près d’un habitant sur cinq est connecté à un réseau social, d’après le site spécialisé DataReportal – un chiffre en constante augmentation.

Efforts de lutter contre la désinformation

 Facebook multiplie certes les hashtags pour dénoncer ces mauvaises nouvelles en trouvant les moyens de filtrer les contenus mais le constat général est celui d’une expansion du phénomène. Même le mémorandum de 3 pages publié par l’entreprise de Mark Zuckerberg intitulé « Comment Facebook contribue à protéger l’élection présidentielle 2020 en Côte d’Ivoire », n’a pas aidé à faire baisser la violence des propos lors de ce scrutin très attendu.

Le réseau social rappelle qu’il investit massivement dans le monde pour garantir la sécurité de ses utilisateurs, grâce à l’embauche d’experts, d’ingénieurs et de modérateurs de contenus pour « identifier et retirer au plus vite des contenus nuisibles ». La lutte contre la désinformation est un sujet central pour Facebook, qui indique comment elle tente d’endiguer ce fléau qui déstabilise de nombreux pays comme la Côte d’Ivoire.

N’empêche que des observateurs ont le sentiment qu’il y a une industrialisation de la fabrication de «fakes». Dans le seul but de fragiliser l’espace public par les communications mensongères.

Les «fake news» se diffusent aujourd’hui beaucoup plus vite et efficacement qu’auparavant – la faute, en partie, aux plates-formes qui tablent sur «l’ignorance» de leurs utilisateurs, c’est-à-dire le fait qu’ils partagent, commentent, «aiment» des contenus sans aucune vérification préalable. Et qui donnent donc une prime aux contenus qui émeuvent, choquent, font réagir. Des mensonges éhontés, fabriqués de toute pièce.

En Côte d’Ivoire, heureusement la pression commence à se faire sentir. Le législateur rappelle que la diffusion de fausses nouvelles/informations ou Fake news constitue un délit passible de poursuite pénale. Le 22 juin 2021, à Abidjan, le procureur Adou Richard a insisté sur ce fait lors d’un panel sur le thème : “médias et droits de l’homme, comment coopérer face aux fake news ?”. Il s’agissait d’une initiative du Conseil national des droits de l`Homme (CNDH).

A l’occasion, Adou Richard avait indiqué que “ceux qui diffusent ce genre d’informations ou qui les reproduisent sont passibles de poursuites judiciaires, et peuvent payer des amendes allant de 500.000 à 20 millions Fcfa”.

Le délai de prescription des délits est de trois ans, a-t-il fait savoir, prévenant qu’”à tout moment les auteurs peuvent être poursuivis”.

Le procureur avait révélé s’être auto-saisi au sujet de l’avatar Chris Yapi, visé par des plaintes en Côte d’Ivoire pour fake news. “Il y a beaucoup de plaintes et le procureur s’est auto-saisi, nous le recherchons, (…), mais on espère que d’ici là il n’y aura pas des dégâts irréparables”, avait-il affirmé.

Le magistrat appelait ainsi à une utilisation responsable des médias sociaux, parce que “les fausses publications peuvent entraîner des troubles à l’ordre public et l’opposition des uns contre les autres”.

Avant même le début de la campagne de vaccination anti-Covid, de nombreuses fausses informations ont circulé sur internet et notamment sur les réseaux sociaux. Des fake news destinées à discréditer les vaccins contre le Covid, mais aussi, souvent, à remettre en cause le bien-fondé de la vaccination en général. Elles faisaient état de ce que les vaccins contre le Covid-19 ne seraient pas sûrs, entraîneraient de nombreux effets secondaires, modifieraient le génome ou, pire, causeraient la mort.

Le succès viral d’informations outrageusement fausses s’appuie grosso modo sur l’ignorance d’un grand public qui veut bien y croire.

Chaque jour des centaines de personnes se délectent de ces messages parce qu’ils n’accordent plus aucune confiance aux médias, toujours suspects de parti pris. La propagande et la désinformation se nourrissent, d’abord et surtout, de cette terrible crise de confiance.

La vérification de l’information, on en parle. Mais combien sommes-nous vraiment à prendre le soin de vérifier une information avant de la publier ou de la partager sur les réseaux sociaux ou à nos contacts ?

Une information vérifiée évite la psychose, les rumeurs (souvent à l’origine de discours de haine) et assure plus de crédibilité.

 

C’est d’ailleurs le sens des nombreuses campagnes solitaires menées sur la toile pour montrer le danger qu’il y a à répandre des rumeurs sur les réseaux sociaux. Les conséquences, elles peuvent être désastreuses…

Il est de plus en plus conseillé aux uns et aux autres de prendre l’habitude de vérifier leurs sources et de les citer. «Cela te donnera plus de crédibilité et t’aidera à ne pas être le porte-parole de personnes mal intentionnées.

Passe l’info autour de toi !», conseille un de ces messages de sensibilisation.

 

Stéphane Badobré

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