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Ils seraient plus de 11.300 personnes à avoir été expulsées vers le Niger depuis le début de l’année. Largués à la frontière, ils doivent traverser le désert.

 

« Il n’y a rien de mieux qu’une maison. Maintenant, nous sommes de retour et en sécurité. Personne ne peut plus nous mépriser, nous sommes heureux » assure la jeune Nigériane de 20 ans qui se réjouit d’être rentrée.

Felicity a fait le dangereux voyage à travers le désert en septembre 2020. Son objectif : atteindre l’Europe. Mais comme des milliers d’autres personnes, elle s’est retrouvée coincée en Libye, l’un des pays qui sert de point de départ à la coûteuse traversée vers l’Europe. 

Mais souvent de nombreux migrants y sont brutalisés et doivent lutter pour leur survie. 
Au cours des trois dernières années, plus de 13.000 Nigérians sont retournés volontairement dans leur pays d’origine avec l’aide d’agences gouvernementales nigérianes et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), selon les Nations unies. 
Le rêve d’une vie meilleure en Europe s’est transformé en traumatisme avec la violence et le racisme en Libye.
A leur arrivée au Nigeria, les rapatriés sont enregistrés dans un camp de transit et reçoivent de la nourriture, un abri et une assistance médicale.

« Le plus grand défi est la santé mentale des migrants. Par conséquent, en plus du soutien matériel, le soutien psychosocial est notre priorité » explique Victor Lutenco. Il travaille pour l’Organisation internationale pour les migrations au centre de transit de Lagos.

Des expulsions vers le Niger

Selon l’OIM, environ 21 millions d’Africains vivaient dans un autre pays africain en 2020. 
En Afrique de l’Ouest, un nombre particulièrement important de personnes vont dans les pays voisins. A en croire l’OIM, plus de 70 % des mouvements migratoires en Afrique sont internes. 
La migration irrégulière de l’Afrique subsaharienne vers l’Europe, mais aussi entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, a toutefois considérablement augmenté ces dernières années.
Mais à mesure que la migration augmente, le nombre de retours forcés est également en hausse. L’Algérie procède ainsi à des expulsions depuis des années.

Entre le 1er janvier et le 1er avril 2023, ils seraient plus de 11.300 personnes à avoir été expulsées de l’Algérie vers le Niger, selon des données de l’ONG Alarme Phone Sahara, qui vient en aide aux migrants dans cette région.

Si certains de ces migrants parviennent à se faire rapatrier, selon les autorités nigériennes, depuis le début de ce mois de mai, plus de 5.000 de ces migrants seraient toujours bloquées dans le désert à Assamaka, une ville dans le nord-ouest du Niger, dans la région d’Agadez.

« Après tout le traumatisme qu’ils ont subi, c’est à dire le racket et le refoulement, maintenant ils doivent encore marcher pour atteindre un village où ils peuvent avoir une première assistance, ou bien voir des visages humains », explique le directeur de l’APS, Moctar Dan Yaye.

Celui-ci regrette qu’il n’y ait pas de « critère d’âge, de sexe ou de condition de ces personnes qui sont arrêtées. Donc quand on est subsaharien, quand on est noir, on peut être refoulés dans ces conditions. Donc on retrouve généralement des jeunes, de la vingtaine à la trentaine, des femmes, des jeunes filles, souvent des mineurs, des femmes enceintes, souvent des enfants et des personnes âgées aussi. Et toutes ces personnes n’ont pas les mêmes capacités de marcher 15 à 18 kilomètres. Ce qui fait qu’il y en a certains qui sont laissés en route. » 

Une pratique dénoncée

Dans les transports dits « officiels », on trouve principalement des citoyens nigériens. Sur la base d’un accord entre le Niger et l’Algérie, il est prévu que ceux-ci soient emmenés directement dans la petite ville d’Assamaka, d’où ils doivent ensuite être transportés par les autorités nigériennes vers Arlit ou Agadez.

Les transports « non officiels », en revanche, comprennent des migrants venus d’Afrique de l’Ouest et du Centre, mais aussi de pays arabes ou asiatiques. En Algérie, ces personnes sont arrêtées lors de raids. 
Elles seraient ensuite conduites à travers le désert dans des camions puis déposés par centaines au « Point Zéro », le no man’s land à la frontière algéro-nigérienne. En octobre 2018, un responsable des droits de l’homme à l’ONU avait appelé l’Algérie à « cesser immédiatement les expulsions de migrants ».

L’organisation d’aide et de défense des droits de l’homme, Medico International, s’est également plainte de ces pratiques d’expulsion. 
Kerem Schamberger, responsable des relations publiques chez Medico International, pointe la responsabilité de l’Union européenne.
Selon lui : « Cette politique d’expulsions, où les gens sont entassés dans des camions á découverts puis emmenés de l’autre côté de la frontière, est bien sûr dans l’intérêt de l’Union européenne qui, lorsqu’il s’agit de migrants, ne connaît presque que le mot verrouillage. »

Kerem Schamberger rappelle la situation extrême au Niger où, en 2015, sous la « pression européenne, une loi a été adoptée qui criminalise la migration vers le nord, transforme les transporteurs en passeurs et transforme les vendeurs de nourriture ou les propriétaires en complices de la migration illégale. » 

Malgré les dangers et la violence ainsi que le durcissement des législations dans les pays de transit, le flot de candidats à l’exil ne se tarit pas, rendant toujours aussi risqué le voyage à travers le Sahara qui coûte la vie à des milliers de personnes chaque année.

Source: www.dw.com

 

 

 

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