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Les élections couplées (législatives et présidentielle) se sont tenues dans le calme le 22 novembre dernier au Burkina. Contrairement à l’apocalypse prédit, les Burkinabè ont joué balle à terre. L’opposition y a fortement contribué. Et pour cause, elle n’a pas été mauvaise joueuse en appelant à tout casser après que la Commission nationale électorale indépendante (Ceni) a déclaré le président Roch Marc Christian Kaboré réélu avec 57,87% des suffrages exprimés. C’est ce tableau que certains journaux tentent de retourner à l’avantage de l’opposition ivoirienne. Le Nouveau Réveil, canard très proche du Pdci d’Henri Konan Bédié, dans son édition du samedi 28 et 29 novembre 2020 tente de faire croire qu’il s’agit là d’une leçon que le président Roch Marc Christian Kaboré administre au Président Alassane Ouattara.
Qu’est-ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire avec l’opposition ivoirienne ?
En Côte d’Ivoire, nous avons vu une opposition qui avait décidé, bien avant un an, de ne pas aller aux urnes préférant travailler sur le schéma d’une transition sans le Président Alassane Ouattara (confère la Une des journaux Le Temps, Le Nouveau Réveil…). Henri Konan Bédié, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) et Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (FPI) ont manœuvré clairement et ouvertement contre les élections du 31 octobre 2020. Non contents de sortir du processus électoral au dernier moment (malgré tous les efforts déployés par le pouvoir pour obtenir une Commission électorale indépendante crédible et une liste électorale consensuelle), ils ont ensuite appelé leurs partisans à «boycotter par tous les moyens légaux à leur disposition» les opérations électorales pour protester contre «un troisième mandat» d’Alassane Ouattara. Avec en arrière-pensée la mise en place d’un «Conseil national de transition». Une attitude qui n’était pas de nature à garantir une élection paisible. Comment peuvent-ils aujourd’hui rejeter la responsabilité des 87 morts sur le pouvoir d’Alassane Ouattara quand les vidéos et autres coupures de presse sont là pour rappeler leurs propos et mots d’ordres donnés publiquement. Ici donc, les opposants, 2 des 4 candidats retenus par le Conseil constitutionnel, autorisés à participer à la compétition électorale, ont préféré fuir les urnes pour la rue. Surtout en multipliant les actions violentes.

Maturité politique

Le tableau était totalement différent au Burkina Faso. Avec une opposition responsable. En effet, les acteurs politiques burkinabè, 12 candidats retenus face au président sortant, ont décidé de ne pas abdiquer en tablant sur un plan B en cas de défaite. Ils ont battu campagne du 31 octobre au 20 novembre 2020, en tout cas dans la partie sécurisée du territoire national. Les prétendants au bail du palais de Kosyam ont pris part au jeu électoral du début à la fin en ne sachant pas derrière des arguments de fraude en préparation par le pouvoir en place. Ni le chef de file de l’opposition Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le peuple et le changement (UPC) ni même Eddie Komboïgo, candidat du parti de l’ex-président Blaise Compaoré n’a appelé les Burkinabé à bouder l’enrôlement sur les listes électorales puisque plus de 6 millions de personnes sont allées s’inscrire sur le listing électoral. Contrairement à la Côte d’Ivoire où l’opposition ne voulait pas du tout d’élection, les acteurs politiques burkinabè ont signé un pacte de bonne conduite le 26 octobre sous l’égide du Conseil supérieur de la communication (CSC) pour permettre une campagne électorale apaisée en vue d’un scrutin apaisé et transparent.
Tous les acteurs politiques qui ont adopté le pacte s’étaient engagés à s’abstenir de faire de la race, de l’ethnie, de la religion, des thèmes de campagne. Ils ont surtout compris que la vie privée des uns et des autres doit être strictement protégée et respectée. En somme, c’est le fair-play qui a été le maître-mot de la campagne. Même après le scrutin. L’opposition, qui avait menacé de ne pas reconnaître le résultat, «avait pris acte» finalement de l’annonce, tout en annonçant se réserver le droit de le contester en justice.

 

Les Burkinabè ont réussi à passer leurs discours au crible de la raison et de la sagesse. Ce qui était loin d’être le cas pour l’opposition ivoirienne qui a clairement appelé ses partisans à boycotter le scrutin du 31 octobre «par tous les moyens légaux à leur disposition». Et ces moyens légaux se sont traduits sur le terrain par des saccages de matériels électoraux, le barrage de voie de circulation, l’assassinat d’un gendarme, le saccage et l’incendie de nombreux biens privés et publics. Oubliant que les mots sont dangereux comme des «pistolets chargés», Affi N’Guessan et les leaders de la coalition de l’opposition ivoirienne ont fait le lit de la violence.
Des partis de l’opposition en Côte d’Ivoire, et même un acteur politique comme Guillaume Soro, ont financé et organisé des activistes sur les réseaux sociaux pour mettre de l’huile sur le feu. L’on a vu que ces derniers, par moments, ont tenu des propos qui étaient susceptibles de brûler le pays. On est tous d’accord pour la liberté d’expression, mais ces cyberactivistes ont trop tiré sur la corde, sur les bords de la lagune Ebrié. Les réseaux sociaux, surtout Facebook, ont failli se muer en Radio mille collines.

Mais contrairement à l’exemple que le journal officiel du Pdci veut retourner en l’avantage de ses mandants, l’opposition au Burkina Faso a montré sa maturité.
L’histoire retient qu’en 2015, le Burkina avait déjà séduit l’Afrique et le monde en organisant des élections presque parfaites. Celles-ci avaient été précédées d’une campagne électorale également parfaite. En tout cas, les discours haineux aux relents ethnicistes n’avaient pas été observés. C’est cette performance que le pays des Hommes intègres vient de rééditer en novembre 2020. Les Burkinabè ont compris que les ennemis du Burkina, notamment les terroristes, caressaient l’espoir que la campagne électorale passée soit un grand moment de division et de violences sous toutes ses formes. Dès lors, ils devaient en profiter pour arrimer le pays au chaos. C’est pourquoi les Burkinabè ont refusé de faire leur jeu. Le Burkina a surtout pris le pari de sortir par le haut du double scrutin du 22 novembre 2020.

Yassine Bakayoko 

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