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Il ne faut pas être un devin pour savoir que les relations entre Laurent Gbagbo et Blé Goudé ne sont plus au beau fixe. Depuis quelque temps en tout cas. L’ancien président ivoirien et son ancien ministre de la Jeunesse ont été passé huit ans ensemble à la prison de la Haye. Ils étaient jugés devant la Cour pénale internationale (CPI) pour les mêmes accusations de crime contre l’humanité lié aux 3000 morts de la crise post-électorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. Si les deux co-accusés ont été acquittés le 31 mars 2021 par la CPI, leurs destins se sont séparés là. Et même bien avant. Des sources crédibles informent que le courant passait difficilement entre les deux. Ils se parlaient rarement avant même le prononcé du verdict. Et c’est à travers la presse que Blé Goudé aurait appris que Laurent Gbagbo rentrait au pays. Juste un coup de fil laconique que son mentor lui a passé à quelques jours de son départ de Bruxelles.

Alassane Ouattara, le président ivoirien, a donné le 7 avril 2021, une semaine après leur acquittement, son feu vert au retour de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé en Côte d’Ivoire.

La raison du grand froid dans leurs relations pourtant cordiales et presque filiales est la nouvelle option que Laurent Gbagbo a prise sur sa vie : couper tous les liens qui n’ont pas empêché qu’il soit mis aux arrêts le 11 avril 2011 et envoyé ensuite à la CPI où il a passé quand même 10 ans de sa vie.

Dans sa tête, même le soutien de Blé Goudé et bien d’autres qui lui juraient fidélité, ne lui a été d’aucune utilité. Il est donc temps pour lui de passer à autre chose. Ce qui explique les divorces religieux, politique et matrimonial qu’il a engagés avec sa femme Simone Gbagbo. Blé Goudé aussi qui a un flair politique l’a compris depuis 2015 quand il a décidé de transformer son mouvement le Congrès des jeunes patriotes (Cojep) en parti politique.

Bien avant leur libération, Blé Goudé avait décidé de voler de ses propres ailes. Lui qui a vite compris qu’en politique, on se fait rarement la passe. Il faut se battre pour obtenir ce à quoi l’on aspire. Comme pour toute chose dans cette vie.

Aujourd’hui, Blé Goudé affiche clairement ses ambitions. Il commencé à polir son discours. « Je suis un politicien. Mon but est de diriger un jour mon pays. Mais nous n’en sommes pas encore là. Tout d’abord, ce que je voudrais dire, c’est que je demande pardon à ceux qui me considèrent comme quelqu’un qui était contre eux. Au niveau national, je demande pardon », disait-il à la BBC. Laurent Gbagbo, lui également, reste dans l’arène politique. Et son discours n’a pas évolué dans le sens d’une demande de pardon.

C’est d’ailleurs cette distance qui s’est installée entre Laurent Gbagbo et Blé Goudé qui explique que lors des pourparlers entre le pouvoir d’Abidjan et les partisans de l’ancien président ivoirien, personne n’ait évoqué la situation du passeport de l’ancien leader des jeunes patriotes.

C’est ce seul document qui soit officiellement l’obstacle au retour en Côte d’Ivoire de Blé Goudé. « Je n’ai toujours pas reçu mon passeport« , affirmait à l’Agence France-Presse Charles Blé Goudé, avant l’arrivée  de Laurent  Gbagbo à Abidjan, le 17 juin 2021. Et personne n’en parle. Ce qui n’a pas empêché que son parti, le Cojep, lance l’opération « Akwaba-Woody » (« Bienvenue à l’homme, le vrai« ), comprenant notamment la confection de milliers de T-shirts à l’effigie de l’ex-président, frappés du sigle Cojep.

Comme Laurent Gbagbo, Blé Goudé a été condamné par contumace en Côte d’Ivoire à 20 ans de prison pour des faits liés à la crise de 2010. Si le gouvernement a clairement laissé entendre que la peine contre M. Gbagbo serait abandonnée, il n’a rien dit concernant celle de Charles Blé Goudé.

Tout porte donc à croire que c’est une nouvelle bataille qui attend Charles Blé Goudé.

Stéphane Badobré

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