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Nul ne sait où cette énième transition conduira la Guinée. Les promesses des militaires impréparés à l’exercice du pouvoir d’État se heurtent toujours aux dures réalités du pouvoir politique.
Malgré les promesses de retour à un ordre constitutionnel, le coup d’Etat militaire en Guinée marque un revers pour le pays. Mais certains analystes y voient l’occasion d’un nouveau départ démocratique après les années Condé. Les officiers des forces spéciales qui ont déposé le président Alpha Condé dimanche avaient convoqué les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion lundi à 11 heures au Palais du peuple, siège du Parlement. « Tout refus de se présenter sera considéré comme une rébellion », avaient-ils prévenu. Les putschistes guinéens, qui ont capturé le président Alpha Condé et annoncé la dissolution des institutions, ont promis, lundi 6 septembre, la mise en place d’un « gouvernement d’union nationale », chargé de conduire une période de « transition » politique, et assuré qu’il n’y aurait pas de « chasse aux sorcières » contre l’ancien pouvoir.
« Une concertation sera ouverte pour décrire les grandes lignes de la transition, ensuite un gouvernement d’union nationale sera mis en place pour conduire la transition », a dit le chef putschiste, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, dans un discours, sans toutefois préciser la durée de la concertation ni de la transition, au lendemain d’un coup d’État largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse à Conakry.
Ce dernier a également tenté de rassurer les partenaires et investisseurs étrangers en déclarant que les nouveaux maîtres de Guinée, important producteur de bauxite et de minerai, tiendraient leurs engagements, et a demandé aux compagnies minières de poursuivre leurs activités.
Le comité mis en place par les putschistes assure « les partenaires économiques et financiers de la poursuite normale des activités dans le pays », a déclaré le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans son discours. « Le comité assure les partenaires qu’il respectera toutes ses obligations », a-t-il dit. La justification majeure des putschistes est de mettre fin à « la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique » ou encore « l’instrumentalisation de la justice (et) le piétinement des droits des citoyens ».
Le coup d’Etat, mené sans effusion de sang mais avec force déploiement de chars, ne serait donc pas un rejet de la démocratie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest qui en a connu d’autres.
En Guinée, la situation politique se dégradait ces dernières semaines. De nombreux observateurs sur place redoutaient une possible rupture de l’ordre constitutionnel en raison de l’atmosphère délétère qui régnait dans le pays depuis la réélection d’Alpha Condé à la présidentielle d’octobre 2020.
Dans le cas guinéen, plusieurs facteurs ont concouru à la création de cette atmosphère délétère et conflictuelle avant le double scrutin : la progression de l’épidémie du COVID-19, l’instabilité et le manque de préparation de la commission électorale nationale indépendante (CENI), le bras de fer entre partis de l’opposition et pouvoir en place, les premiers dénonçant fermement, à travers le Front national pour la défense de la Constitution, l’organisation même des élections.

Comme certains observateurs le présageaient, la voie choisie par le président Condé de gouverner avec un parlement lui ouvrant la porte à un troisième mandat, voire plus, est une voie qui risquait d’enflammer le pays. Et les résultats sont là. Les répressions des manifestations de ces derniers mois et du 22 mars laissaient également présager le pire pour les mois à venir et menacaient la stabilité du pays.

Stéphane Badobré

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