Les « journées professionnelles » du Salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget s’achèvent ce jeudi pour laisser la place au grand public dès demain. Les industriels repartiront avec quelques promesses d’achats et aussi sans doute des projets de « compensations industrielles ». De plus en plus souvent, en effet, les États-clients qui achètent des équipements aux industriels, exigent d’eux qu’ils implantent des usines, forment du personnel sur place pour étoffer le tissu productif local.
Qu’on les appelle « compensations industrielles » ou offsets en anglais, la pratique est devenue incontournable dans les grands contrats d’exportation. Et le phénomène est mondial. Le secteur de la défense est systématiquement confronté lors des appels d’offres publics pour des contrats d’armement à ces demandes des États.
Les industriels n’en sont plus à échanger des avions de chasse contre des raisins de Corinthe comme cela a pu se faire il y a 20 ans avec la Grèce, mais ils doivent maintenant s’installer et développer le tissu industriel local. Pour ce qui est de la France, on peut citer les derniers contrats en date : l’Inde et l’avion de combat Rafale, le Brésil et les sous-marins Scorpène ou plus récemment l’Australie et les sous-marins de DCNS. À chaque fois, il y a un large volet compensation industrielle qui se mesure en pourcentage de la valeur du contrat principal et surtout qui conditionne l’octroi du marché public.
Comment se fait le choix des formes de compensation industrielle ?
Du Moyen-Orient à l’Asie, les grands marchés porteurs, tout le talent de l’industriel consiste à proposer une coopération de long-terme qui épouse les attentes des gouvernements.
L’Inde, par exemple, où avait éclaté une immense polémique sur le choix par Dassault Aviation du partenaire local qui se trouvait être un proche du Premier ministre Narendra Modi et un des financeurs d’un film de la compagne de François Hollande. Au-delà de la polémique qui rappelle aussi à quel point ces contrats sont complexes et politiquement sensibles, l’enjeu était de répondre à la demande du plan de développement « Make in India » de Modi. New Delhi a dit oui à Dassault Aviation parce que le groupe s’est engagé à consacrer 50% de la valeur du contrat Rafale pour construire une usine dans l’ouest du pays qui à la fin 2019 commencera à produire pour Dassault. Une première pierre qui permettra à terme à l’Inde de n’être plus seulement importatrice, mais exportatrice d’armement comme le lui dicte son ambition de puissance. Et à Dassault de mieux s’implanter sur un des marchés les plus prometteurs au monde.
Des industriels qui cèdent leurs technologies à d’autres États
La problématique est aussi vieille que les compensations. C’est particulièrement inquiétant quand il s’agit de matériel militaire. Chaque industriel a sa méthode pour maîtriser le transfert des technologies. Tout se négocie lors de la rédaction de l’appel d’offres. Ailleurs que dans la défense, il est arrivé que la France produise ses propres concurrents. Citons l’exemple fameux de la China Railway qui a très rapidement appris à construire des TGV grâce à la SNCF avant de les exporter.
Il semble que pour des industries qui, fortement incitées par le gouvernement, ont misé sur l’export, ce soit le prix à payer pour entrer sur ces marchés, dans un contexte toujours plus concurrentiel. L’enjeu de survie est alors de garder toujours une longueur d’avance technologique. De plus en plus, ces grands groupes viennent accompagnés d’entreprises sélectionnées afin d’étoffer l’offre de compensation industrielle à la demande d’États toujours plus exigeants.
Les offsets peuvent alors devenir pour ces petites entreprises un tremplin pour l’international, mais les dangers sont nombreux entre la préservation de son outil industriel et de ses emplois. Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le Gifas et le Réseau des entrepreneurs à l’international viennent de publier un petit guide très complet à leur usage afin de les aiguiller dans l’environnement mal connu des compensations industrielles.