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epa07843035 A supporter of the opposition Coalition holds posters with photos of two former Ivorian presidents, Laurent Gbagbo (R) and Henri Konan Bedie (L) at a meeting of opposition parties in Abidjan, Ivory Coast, 14 September 2019. EPA/LEGNAN KOULA (MaxPPP TagID: epalivefour289682.jpg) [Photo via MaxPPP]

Analyse- À dix mois de l’élection présidentielle, la classe politique ivoirienne se déchire. La vieille garde est loin d’avoir raccroché. Et les jeunes loups des années 2000, neutralisés par la justice, n’abandonnent pas la partie.

C’est toujours les mêmes. Rien n’y fait, ni le coût humain de la crise post-électorale de 2011, ni les vies brisées, ni l’élan économique, ni la crise majeure que traversent les pays de la sous-région : les hostilités ont bien commencé entre les principaux acteurs qui dominent la vie politique ivoirienne depuis des décennies.

À la vieille garde qui a fait ses armes sous Félix Houphouët-Boigny s’ajoute celle de la «jeune» garde qui a émergé dans les années 2000. Deux générations de politiciens animées par la même ambition et le même désir : garder, conquérir ou reconquérir le palais présidentiel.

Konan Bédié, toujours dans la course

À 85 ans, l’ancien président de la Côte d’Ivoire de 1993 à 1999, Henri Konan Bédié multiplie les coups contre son ancien allié, le président sortant Alassane Ouattara. À l’occasion de ses vœux pour la nouvelle année, il a dénoncé une « instrumentalisation de la justice par le pouvoir exécutif », qui «rabaisse l’État de droit et la démocratie». Et il critique «le refus du gouvernement de créer les conditions propices pour un scrutin présidentiel apaisé», mettant en cause la commission électorale qu’il juge déséquilibrée en faveur du pouvoir. Le 24 décembre, il avait déjà dénoncé les «dérives dictatoriales» d’Alassane Ouattara.

La rupture entre les deux hommes est intervenue en 2018. Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) avait alors reproché à Alassane Ouattara de ne pas vouloir passer la main au profit d’un candidat du PDCI pour l’élection de 2020, alors qu’il a été élu en 2010 et réélu en 2015 grâce à son soutien.

Laurent Gbagbo, discret mais pas absent

À 74 ans, l’ancien président de la Côte d’Ivoire de 2000 à 2011, Laurent Gbagbo ne peut pas, pour l’heure, quitter Bruxelles où il réside, tant que l’appel déposé par la procureure Fatou Bensouda contre son acquittement par la Cour pénale internationale n’a pas été tranché. En attendant cette décision, son avocat a demandé aux juges de lever son interdiction de quitter Bruxelles au motif qu’il ne peut, de fait, participer directement à la campagne présidentielle. Les juges devraient se prononcer sur cette requête le 6 février.

En Côte d’Ivoire, le parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI) s’est divisé en deux branches : une branche officielle, arrivée deuxième à l’élection présidentielle de 2015, et une branche dissidente qui l’a élu à sa tête en 2018. Dans son message de nouvel an, son épouse Simone Gbgabo, a laissé entendre qu’il reviendrait cette année pour se présenter à l’élection présidentielle.

Alassane Ouattara, ne rien lâcher

Tout indique qu’à 77 ans, Alassane Ouattara ne va pas renoncer à se présenter pour un troisième mandat. «Je veux que tous ceux de ma génération comprennent que notre temps est passé. Mais s’ils sont candidats, je le serai», a-t-il déclaré le 30 novembre 2019.

Bien que terminant son 2e mandat, il estime avoir le droit de se représenter, en raison d’un changement de Constitution en 2016. La date butoir pour le dépôt des candidatures à la présidentielle a été fixée à juillet 2020.

Charles Blé Goudé, condamné mais pas éliminé
L’ex-chef des Jeunes patriotes ivoiriens, Charles Blé Goudé, 48 ans, avait annoncé en juin 2019 avoir des ambitions présidentielles à long terme, après le prochain scrutin d’octobre 2020. Condamné lundi 30 décembre 2019 par contumace à vingt ans de prison par la justice ivoirienne, alors qu’il est en liberté conditionnelle à La Haye après son acquittement par la CPI, il n’a pas renoncé à peser dans le débat ivoirien.

Samedi 4 janvier, il a dénoncé «un régime qui crucifie le processus de réconciliation nationale sur l’autel de ses intérêts» et «les arrestations arbitraires des opposants, l’interdiction de meeting de l’opposition, la justice expéditive» et «aux ordres» en Côte d’Ivoire. Pour autant, il «tend la main au président Alassane Ouattara» pour travailler à la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.

Guillaume Soro sous le coup d’une arrestation

La candidature de Guillaume Soro, 47 ans, premier candidat déclaré à l’élection, est obérée par ses ennuis judiciaires. Alors qu’il voulait rentrer en Côte d’Ivoire après six mois en Europe, l’ancien premier ministre, ex-chef de la rébellion ivoirienne des années 2000, s’est vu accusé de «complot» par la justice ivoirienne, qui le soupçonne d’avoir préparé «une insurrection civile et militaire» pour s’emparer du pouvoir. Lors de ses vœux, le 31 décembre, il s’en est pris aux «innombrables atteintes aux droits humains, à la faveur d’un durcissement inouï du régime», qui cherche à «museler l’opposition».

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