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« De septembre 2002 à mars 2021, pris dans le tourbillon de la détestation et de la haine ambiante de cette période, attisée par les auto-proclamés détenteurs de l’orthodoxie de la pensée patriotique, j’ai, sans relâche, durement combattu, pendant 19 ans, Alassane Ouattara et son pouvoir.
Les propos dithyrambiques et laudateurs à son sujet de Bedié, Soro et consorts, alors ses alliés et partenaires politiques, qui le décrivaient comme un homme exemplaire, travailleur et rigoureux n’y changeront rien; je devais le détester, c’est tout.
La propagande anti-Ado savamment inoculée en bien d’entre nous, comme un venin neuro-toxique, par les néo-propriétaires du titre foncier de la Côte d’Ivoire, je le confesse, m’avait vraisemblablement ôté tout le discernement nécessaire pour prendre le recul qui sied à l’objectivité cognitive.
Et puis en 2021, j’ai démissionné du FPI, lassé de perdre mon temps dans une décennie de déchirements et de déchirures internes, sur fond de culte de la personnalité et de guerre de positionnement pour le contrôle du fauteuil du président du FPI, Affi, alors que le fauteuil présidentiel étatique devrait être la préoccupation essentielle et ultime des «camarades».
Cette démission a été salvatrice. Elle m’a permis de finalement prendre le recul qui m’avait tant fait défaut pour, par moi-même, juger de ce que Ouattara était réellement. Dès lors que je n’avais plus délégué à autrui mon cerveau pour réfléchir collectivement à ma place, j’ai très vite pu comprendre qu’il n’était ni ange, ni démon.
C’est un homme, un leader politique, avec ses défauts et ses qualités ; comme tout être humain.
Adama Bictogo, Anne Ouloto et bien d’autres hauts responsables du RHDP m’avaient, à plusieurs reprises, personnellement reçu à leur domicile pour m’en convaincre. Que nenni! Comme envoûté, je leur avais systématiquement opposé une fin de non recevoir.
 
Débarrassé des pesanteurs inhérentes au militantisme politique, j’ai, dans ma posture actuelle de membre de la société civile, dont le credo est «la Côte d’Ivoire d’Abord», mesuré le fossé abyssal qu’il y a entre un vrai patriote, celui qui aime son pays quel que soit celui qui le dirige, et ceux qui n’aiment leur pays que lorsque c’est leur leader qui le préside.
Ce recul me permet de juger Ouattara à travers ses actes et non de préjuger de ce que sont ou seront ceux-ci. Je ne lui donne pas un blanc-seing, pas plus que je ne le condamne d’avance, quel que soit ce qui fera ou dira. J’apprécie désormais de façon factuelle, au cas par cas, projet par projet, décision par décision ses initiatives gouvernementales.
C’est ce qui m‘a permis de sévèrement critiquer notamment la détention injuste des docteurs de l’enseignement supérieur non recrutés à la fonction publique et depuis un certain temps de pourfendre la corruption endémique dans son administration, mais aussi l’impasse inquiétant sur la valorisation du capital humain national.
À contrario, je ne peux raisonnablement faire la politique de l’autruche devant ses remarquables performances économiques qui placent et maintiennent notre pays au 1er rang des économies de l’UEMOA, au 1er rang également du classement des pays de la CEDEAO, en termes de PIB/Habitant, devant le Nigeria et le Ghana. Excusez du peu.
 
En adoptant une telle posture, qui n’est pas de l’équilibrisme, je donne un contenu concret à mon engagement pour «la Côte d’Ivoire d’Abord». Je ne suis donc ni l’ennemi de Ouattara, ni l’ami de Ouattara. Je défends ce qui est bon pour mon pays et encore plus, lorsque des États voyous ou preneurs d’otages veulent l’humilier. On peut chercher à humilier Ouattara mais pas la Côte d’Ivoire; je ne suis plus prêt à l’accepter.
Avec le fâcheux épisode de la crise malienne, il m’a rassuré, par sa cohérence, sa constance et sa sérénité, démontré qu’il est un un vrai Chef, un Chef d’Etat sur lequel ses compatriotes, injustement plongés dans la tourmente, peuvent compter.
Des leaders politiques, en dehors du président Affi N’guessan et Blé Goudé, jusqu’à présent, n’ont manifesté aucune forme d’empathie pour nos soldats récemment libérés des geôles maliennes. Aucun signe ni communiqué de satisfaction. Bien au contraire. C’est décevant. Le patriotisme ne devrait pas être sélectif. Gageons qu’ils se ressaisiront très vite.
Je n’ai pas changé de conviction politique ou idéologique; je reste humaniste et social-démocrate. Force est donc de reconnaître que le président Ouattara ne m’a ni vaincu, ni convaincu. Il m’a juste appris à davantage aimer mon pays, plutôt que ses hommes qui, eux, fatalement, finiront pas passer ».
 
Jean Bonin KOUADIO
Juriste
Président du Think Tank dénommé «Fraternité Ivoirienne et Républicaine».
 
NB: La titraille est de la Rédaction
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