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Une véritable marée humaine… des centaines de milliers de personnes se sont données rendez-vous à Barcelone au cinquième jour du mouvement pour protester contre la condamnation de neuf dirigeants séparatistes pour la tentative de sécession de 2017. Comment réagit-on à Madrid ?

Qu’est-ce qu’attend Pedro Sanchez ? Qu’est-ce qu’attend le chef du gouvernement espagnol ? C’est la question que pose le quotidien de centre-droit El Mundo et qui résume bien la division à Madrid. Car le socialiste Pedro Sanchez se livre à un grand écart, pratiquant à la fois une grande fermeté et aussi une grande modération.

Un coup de vis sécuritaire ?

Cinq nuits de violence d’affilée dans les grandes villes de Catalogne, cinq colonnes qui ont convergé vendredi vers Barcelone avec des dizaines de blessés et de personnes interpellées. Pour autant, pas question – pour l’instant – pour Pedro Sanchez de donner un coup de vis sécuritaire.
Or, c’est bien ce que lui disent, avec insistance, les deux grands leaders de la droite. Le conservateur Pablo Casado exige la mise sous tutelle de la Catalogne par le pouvoir central afin de stopper ce qu’il considère comme une rébellion inacceptable. Plus virulent encore, le libéral Albert Rivera qui pousse, lui, à appliquer la législation de sécurité citoyenne, autrement dit à donner plus de pouvoir aux forces de l’ordre. Et ce, sans compter le parti d’extrême droite Vox qui parle carrément de « décréter l’état d’exception ». À gauche, seul le leader de Podemos, Pablo Iglesias, est partisan d’un dialogue avec le camp indépendantiste pour trouver « une issue politique au conflit ».

Une « mise en scène »

Pour Benoît Pellistrandi, historien, spécialiste de l’Espagne, tout cela s’inscrit dans un contexte électoral : « L’idée, c’était de faire une démonstration de force, de montrer que la Catalogne est derrière ses leaders indépendantistes. Il y avait aussi la mise en scène de l’unité de la nation catalane. Ces manifestations ne sont absolument pas spontanées. Elles obéissent à un plan tactique et stratégique des différents mouvements indépendantistes, mais la nouveauté, c’est qu’il apparaît un mouvement radical et violent qui est en train de perturber ce scénario indépendantiste. »

« Est-ce que ces manifestations répondent vraiment à un mouvement général de la population catalane ? Ce n’est pas sûr, explique Benoît Pellistrandi. Ne l’oublions pas, on est en campagne électorale, puisque le 10 novembre prochain il y a des élections générales dans toute l’Espagne et donc en Catalogne. Et cela va peser très lourd dans le déroulement de cette campagne. Et les mouvements les plus radicaux ont absolument intérêt à faire dérailler la situation catalane pour forcer le gouvernement de Pedro Sanchez, gouvernement socialiste, à commettre un faux pas. L’idée, c’est que si le Parti socialiste commet un faux pas, les indépendantistes penseront avoir obtenu une victoire contre l’Etat espagnol. »

La question qui se pose également est de savoir si ce mouvement est amené à s’inscrire dans la durée ? Rien n’est moins sûr étant donné les divergences stratégiques qui existent à l’intérieur même du mouvement indépendantiste ainsi que nous le dit Benoit Pellistrandi : « Il y a une vraie divergence stratégique entre les deux grands mouvements indépendantistes que sont le parti de Quim Torra et le parti de Oriol Junqueras. Par exemple, au Parlement de Catalogne, Quim Torra a annoncé que son intention était de procéder à un nouveau référendum d’autodétermination. Son gouvernement ne le savait pas. Et les têtes se sont littéralement décomposées. […] Ce qu’il faut voir, c’est que si on a ces manifestations monstres, elles sont aussi une forme d’intimidation à l’égard de ceux qui ne sont pas indépendantistes et qui n’osent pas manifester leur hostilité à ce projet indépendantiste qui est en plus un projet unilatéral. »

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