PARTAGER

La visite de l’ancien président sud-africain Jacob Zuma au Maroc, du 15 au 18 juillet 2025, suscite une polémique majeure, notamment en Afrique du Sud. Ce déplacement avait été formellement planifié et coordonné avec l’ambassade sud-africaine à Rabat, comme l’atteste une lettre officielle demandant un traitement protocolaire particulier, incluant le passage par le salon d’honneur de l’aéroport Rabat-Salé. Cette lettre précisait les modalités complètes de la visite ainsi que les membres de la délégation accompagnante.

La controverse est née principalement de l’utilisation du drapeau national sud-africain lors d’une rencontre non officielle le 15 juillet à Rabat entre Jacob Zuma et le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita. Le gouvernement sud-africain, via son ministère des Affaires étrangères, a exprimé une objection ferme à ce geste, le qualifiant d’«abus de symbole national» et d’«inapproprié», car il donnait l’impression d’un contact officiel entre deux États alors que Zuma, chef d’un parti d’opposition, ne représentait pas la position officielle de son pays. Une protestation formelle a été adressée au Maroc pour que de telles pratiques ne se reproduisent pas.

Le Maroc souligne que la position exprimée par Jacob Zuma met en évidence une réalité politique souvent passée sous silence à Pretoria. La politique étrangère sud-africaine actuelle sur la question du Sahara ne fait pas l’objet d’un consensus absolu. Le soutien affiché par Zuma, en sa qualité de chef du parti MK et parlementaire en exercice, ne fait que démontrer que d’autres voix au sein de la société sud-africaine, qu’elles soient politiques, intellectuelles ou sociales, peuvent
adopter des positions réfléchies et souveraines, qui diffèrent de la posture officielle vis-à-vis du Maroc.

Pour sa part, Jacob Zuma a défendu avec vigueur sa visite et l’usage du drapeau, affirmant que le drapeau sud-africain appartient à tous les Sud-Africains et non uniquement au gouvernement. Il a rappelé que cette visite visait à raviver les liens historiques forts entre le Maroc et l’Afrique du Sud, notamment en lien avec le soutien du Maroc à la lutte contre l’apartheid et l’accueil de militants sud-africains dans les années 1960. Zuma a expliqué que la diplomatie populaire et l’expression de l’identité nationale ne devaient pas être réduites aux seules interactions diplomatiques officielles. Lors de cette visite, Zuma a exprimé un soutien explicite à l’initiative marocaine d’autonomie au Sahara occidental, ce qui constitue un tournant symbolique fort. Son jeune parti, Umkhonto we Sizwe (MK), reconnaît désormais la souveraineté historique du Maroc sur son Sahara et considère l’autonomie comme la seule voie crédible pour résoudre pacifiquement ce différend régional.

Politique et diplomatique, cette visite a également mis en lumière des fractures en Afrique du Sud. Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir, a condamné l’initiative de Zuma, tandis que des figures politiques comme Julius Malema l’ont qualifié de «traître». Le soutien affiché par Zuma au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental a contribué à accentuer les tensions, car cette position n’est pas celle du gouvernement sud-africain, qui reste traditionnellement favorable à la cause sahraouie.

Stéphane Badobré

PARTAGER