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On s’y attendait plus ou moins. Alassane Ouattara a fini par lâcher le morceau. Le président de la République ne sera pas candidat à sa succession pour un troisième mandat en 2020. Le chef de l’Etat l’a solennellement annoncé, ce jeudi 5 mars 2020, devant le Congrès ivoirien qui a inauguré sa première réunion dans l’histoire de ce pays. « Je voudrais annoncer solennellement que j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une jeune génération… ».

Du haut de la tribune du Congrès, le président ivoirien vient de mettre ainsi fin, au débat juridico-politique interminable que suscite l’option d’une candidature pour un troisième mandat à la tête de la Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara aura entretenu le suspense durant de longs mois sur le sujet, renvoyant ses interlocuteurs, jusque-là, à attendre à l’approche de l’échéance d’octobre 2020 pour se prononcer. Toutefois, dans ses différentes sorties, le chef de l’Etat a laissé déjà entrevoir sa décision finale connue aujourd’hui. Il a toujours affiché sa volonté de « passer la main à une nouvelle génération ». Ce qu’il a confirmé dans son discours de ce jour.

Gon, Mabri, Amon Tanoh lâchés

En annonçant la fin de son règne au terme de son dernier mandat en cours, le tenant du pouvoir en Côte d’Ivoire ouvre, en même temps, la course à sa succession. Désormais, les dés sont lancés, notamment au sein du parti unifié au pouvoir, le Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Les cadres de ce parti sont plus que jamais situés sur la position du président. Les ambitions peuvent s’affiner et s’afficher. Plus que 8 mois pour se lancer dans la course à la succession de son mentor. Dans les coulisses, le Rhdp prépare sa convention pour désigner son candidat. Officieusement, le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly devrait prendre le relais après le chef de l’Etat. L’actuel chef du gouvernement ivoirien occupe déjà le terrain et domine la scène tant dans son parti que sur l’échiquier ivoirien.

Toutefois, cela n’empêche que d’autres ambitions s’affichent à l’intérieur du Rhdp traversé ces derniers mois par des courants. Mabri Toikeusse, Marcel Amon Tanoh, ou d’autres cadres intéressés par le pouvoir n’ont pas encore dit leurs derniers mots. Tous sont désormais lâchés et peuvent exprimer clairement leurs ambitions. Mais, selon des indiscrétions, l’annonce du président Ouattara, et le choix du moment ne seraient pas fortuits. Tout semble avoir été mis en œuvre pour éviter l’explosion au Rhdp. Le chef de l’Etat aurait pris des dispositions pour convaincre les uns et les autres de s’aligner derrière le dauphin de la Primature avant d’annoncer sa décision de se retirer. Le réaménagement prochain du gouvernement et la configuration de la dernière équipe de combat, qui va être mise en place pourrait situer sur la cohésion qu’Alassane Ouattara tente de maintenir au sein du Rhdp pour garantir les chances de succès de cette formation politique à la prochaine présidentielle.

Bédié et Gbagbo dos au mur

En face, pour l’opposition également, c’est l’heure de se déterminer. Les dirigeants de cette opposition attendaient également que le président de la République se détermine sur son éventuelle candidature en octobre 2020 avant de se dévoiler. Depuis ce matin, c’est fait. Le Pdci, le Fpi ou tous les éventuels candidats à la succession d’Alassane Ouattara, peuvent maintenant se découvrir. Le jeu est ouvert.

Seulement, le chef de l’Etat ne s’est pas limité à l’ouvrir pour tous les prétendants. Le président Ouattara, conformément à la volonté qu’il affiche, met en difficulté certaines ambitions. Notamment ceux des leaders politiques de sa générations qui auraient l’intention de se présenter à sa succession. En soulignant dans son discours qu’il a décidé de « transférer le pouvoir à une jeune génération… », Alassane Ouattara ferme le jeu politique pour Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, respectivement président du Pdci-Rda et leader du Fpi qui envisagent de reconquérir le pouvoir. A 86 ans, le ‘’Sphinx’’ de Daoukro veut jouer son dernier match. Depuis la Haye, Laurent Gbagbo (75 ans) espère sa libération le plus tôt possible, dans les semaines et mois à venir, pour entrevoir une nouvelle aventure pour le pouvoir. Tous ces deux anciens dirigeants rêvent d’une revanche à prendre sur leur histoire, une réhabilitation aux yeux du monde et de la nation. Le premier ayant été victime d’un coup d’Etat qui a mis fin brusquement à son règne en 1999, et le second, empêché de gouverner par une rébellion qui finira par avoir raison de lui au terme de la crise post-électorale de 2010.

Pdci, Fpi, du bouillonnement politique à l’horizon

Mais, Bédié et Gbagbo pourront-ils être crédibles aux yeux de leurs militants ou des Ivoiriens après le pavé jeté dans la marre par Alassane Ouattara ? Ces personnalités, qui font partie du triumvirat protagoniste des crises successives qu’a traversées la Côte d’Ivoire oseront-ils faire face à une nouvelle génération que le président sortant pousse à les défier ?

D’ores et déjà, Henri Konan Bédié, tout comme Laurent Gbagbo devront s’attendre à l’effet du discours d’adieu que vient de prononcer celui qui aura été à la fois allié et adversaire pour chacun d’eux. Car, il faut s’attendre dès maintenant à un bouillonnement politique à l’intérieur des parties, un éveil des jeunes loups aux aguets qui entendront de la bonne oreille l’adresse du chef de l’Etat. Voici qui annonce des jours palpitants à l’intérieur des partis politiques dans les jours et semaines qui suivent.

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