PARTAGER

Le ministre des Eaux et Forêts, Alain Donwahi, explique sa politique pour la réhabilitation de la faune et de la flore ivoiriennes dévastées par des clandestins

L’impact de certaines activités humaines sur la végétation forestière actuelle commence à être préoccupant. Malgré les efforts consentis, fort est de constater que les infiltrations clandestines dans les forêts, continuent et menacent l’existence même des forêts au profit des plantations agricoles. La biodiversité des forêts étant menacée par le braconnage, la pression démographique, la perte d’habitats (les défrichements agricoles). La survie de ces forêts interpelle. Dans cet entretien, le ministre des Eaux et Forêts, Alain-Richard Donwahi, partage bien cette appréhension et explique ce qui se fait dans son département.

Monsieur le ministre, comment expliquez-vous la dynamique d’infiltration des exploitants dans les forêts classées ?

L’agriculture, qui est la principale activité de la population riveraine, a été pratiquée en respectant les limites de la forêt, jusqu’au jour où les effets conjugués des immigrations et de l’épuisement des réserves forestières dans le milieu rural environnant ont amené les riverains à solliciter des autorisations d’occuper et ont profité pour à violer les limites de celles-ci, pour défricher des parcelles dans le périmètre des forêts classées. Les défrichements clandestins sans autorisation administrative sont qualifiés « d’infiltrations». Il n’existe pas d’implantations agricoles autorisées dans la forêt classée. Cependant des chefs d’exploitants exercent dans la forêt. La dynamique d’infiltration des populations en forêt classée s’est fait dans les années 1980 correspondant au boom du cacao et du café en Côte d’Ivoire, ce qui a entraîné une forte pression sur les forêts classées des zones de fortes production du cacao. Elle s’est intensifiée avec la crise post-électorale.

Ces infiltrations ont- elles une influence sur l’environnement ?

Ces infiltrations ont eu plusieurs conséquences sur la biodiversité végétale et animale. La chasse est pratiquée mettant en danger les petits mammifères et particulièrement les grands mammifères devenus très rares (grands singes, éléphants…). Elle entraine les perturbations de la pluviométrie, marquées par, la mauvaise répartition et l’irrégularité des pluies ; la hausse des températures, la persistance et la rigueur de la saison sèche ; la montée des eaux et l’érosion des sols, plus particulièrement l’élévation du niveau de la mer qui provoque un recul du front littoral

Pourquoi une nouvelle politique forestière ?

Vous savez ? De seize (16) millions d’hectares de forêts depuis plusieurs décennies, la Côte d’Ivoire compte aujourd’hui moins de deux (2) millions de forêts naturelles. Le Gouvernement ayant pris la pleine mesure de ce contexte extrêmement délicat pour la Côte d’Ivoire, a adopté une politique d’exploitation, de réhabilitation et d’extension des forêts. Dans cette logique, la Côte d’Ivoire devra respecter ses engagements internationaux en matière de lutte contre les changements climatiques, mais surtout de poursuivre la production légale du Cacao, principal produit d’exportation et soutien important de l’économie ivoirienne.

Les grands axes de la nouvelle politique vise pour la plupart la reconstitution et la gestion durable des forêts classées. Elle consiste à compléter très rapidement le dispositif législatif et réglementaire de protection des arbres et massifs forestiers en introduisant dans le Code Forestier un nouveau statut, celui de l’Agro-Forêt Classée. Protéger de façon stricte les forêts classées conservées à plus de 75% et surclasser en aires protégées et les forêts classées qui s’y prêteraient. Faire respecter strictement la logique des forêts classées et les textes applicables dans les forêts classées peu dégradées (moins de 25% ; entre 25 et 75%). Reclasser les forêts classées dégradées (à plus de 75 % et la prise en compte d’autres critères tels que la richesse de la biodiversité ou la taille des espaces), en totalité ou en partie, en Agro-Forêts Classées (mais bien sûr en aucun cas les déclasser pour en faire des espaces ruraux ordinaires, l’Etat en restant en tout état de cause propriétaire).

Quelles mesures entend prendre le gouvernent pour les forêts classées infiltrées ?

L’Etat va reprendre progressivement en main ces espaces occupés et les recoloniser en y introduisant l’agro-foresterie. Nous allons détruire ces plantations et déguerpir les infiltrés. Aussi des dispositions seront prises pour empêcher purement et simplement la commercialisation des produits issus de ces forêts. Nous allons susciter la coopération des populations locales pour jouer un premier rôle de dissuasion afin d’empêcher les infiltrations clandestines. Une coopération diplomatique des pays voisins qui consistera à la lutte transfrontalière pour empêcher la circulation et la commercialisation des produits issus de ces forêts). le Renforcement de la surveillance avec la dotation de toutes les directions régionales et départementales de moyen de mobilité et dans le cadre de l’initiative cacao forêts mener des concertations avec les bailleurs de fonds, les partenaires techniques et financiers, afin de mobiliser les ressources nécessaires pour financer le plan d’action détaillé de l’Initiative Cacao et Forêts.

Prévoyez-vous un accompagnement dans cette reconversion des sites ?

Effectivement il est prévu des aménageurs, préférentiellement des structures privées, professionnelles et crédibles, encadrés par une solide structure publique qui se chargeront principalement d’accompagner , de «  faire faire », c’est-à-dire de définir des normes d’aménagement, de passer des conventions de Concession Agro-Forestière d’Aménagement Durable (CAFAD) et d’en contrôler la bonne exécution des plans d’aménagement intégrés pertinents, permettant de préserver le patrimoine forestier existant en vue de le reconstituer progressivement .

Quelle est la contribution des chocolatiers et des multinationales ?

L’objectif de ces initiatives est de contribuer à développer des solutions durables en vue de relever le défi du changement climatique et celui de l’épuisement des ressources naturelles. Dans cette dynamique, le Gouvernement ivoirien a élaboré et adopté en 2017, un plan d’action Cacao et Forêts, qui a été présenté à la 23ème Conférence des Parties sur le climat en novembre 2017, à Bonn, en Allemagne. Ont été mis en place   les mécanismes de mise en œuvre d’un plan d’action détaillé, assorti d’une feuille de route, en vue de la réalisation d’actions concrètes sur le terrain, dont la promotion d’une participation plus accrue des coalitions multipartites, l’amélioration de la résilience de la cacao-culture face aux changements climatiques, la professionnalisation et l’autonomisation économique des ménages, la mobilisation accrue des ressources financières et le suivi-évaluation efficace et transparent des progrès réalisés.

L’épineux problème de la déforestation est l’affaire de tous. Nous devons tous nous impliquer pour stopper la dégradation des forêts et reconstituer le couvert forestier. La Côte d’Ivoire est un pays forestier et nous  devons nous employer à le demeurer. Nous sommes solidaires des engagements internationaux. Et nous n’attendons pas que d’autres personnes ou entités nous interpellent, nous en sommes bien   conscients, car l’avenir des générations futures en dépend.

Entretien réalisé par F.D.BONY

PARTAGER