PARTAGER

En Guinée, la composition du gouvernement de transition commence à être un serpent de mer. Cela fait maintenant plus de trois semaines (6 octobre) que Mohamed Beavogui a été désigné Premier ministre. Et son équipe qui doit être constituée de 25 ministres ne tombe qu’au compte-gouttes. C’est d’abord le 22 octobre que les premiers titulaires des maroquins ont été connus. Aboubacar Sidiki Camara, nommé ministre délégué chargé de la Défense nationale. Surnommé « Idi Amin », il est réputé proche du chef de la junte. Bachir Diallo est nommé à la Sécurité et à la Protection civile. Il est l’ancien attaché de défense en Algérie. Lui aussi est un militaire qui fait partie du cercle proche du président de la Transition. Louopou Lamah obtient le ministère de l’Environnement et du Développement durable. Elle est l’ancienne directrice nationale du Commerce extérieur et de la compétitivité au ministère du Commerce précédent.
Mardi 26 octobre au soir, quatre nouveaux noms ont été annoncés par la junte. Diaka Sidibé, précédemment directrice général de l’Institut supérieur des Mines et de la Géologie de Boké devient ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation. Yaya Sow, précédemment juge consulaire au Tribunal de Commerce de Conakry est nommé ministre des Infrastructures et des Transports. Aicha Nanette Conté, est nommée ministre de la Promotion féminine, de l’Enfance et des Personnes vulnérables. Et le portefeuille de l’Information et de la Communication revient à Rose Pola Pricemou. Cette deuxième liste complète à 11 les ministres désignés pour le moment sur une équipe qui doit en compter au total 25.
Les explications de la lenteur. La composition progresse mais prend un certain temps. Les militaires du CNRD et le Premier ministre Mohamed Beavogui sont face à une équation. Le colonel Mamadi Doumbouya a promis aux Guinéens une transition sans recyclage. Il faut donc trouver des profils compétents sans affiliation au régime précédent.
Une rupture difficile à mettre en œuvre dans un pays où l’administration est depuis longtemps fortement politisée, souligne Kabinet Fofana. Le politologue estime que la lenteur des annonces illustre les multiples tractations et réflexions en coulisses. Les militaires sont précautionneux.
Pour Aliou Barry, directeur du Centre d’analyse et d’études stratégiques, un cercle de réflexion guinéen, prendre le temps de bien choisir son équipe est positif. Surtout s’il s’agit de composer un gouvernement représentatif, inclusif, qui évite l’ethnicisation. Pour lui, la junte veut respecter les équilibres entre peuls, soussous, mandingues et forestiers. Pendant longtemps en Guinée, l’appartenance au pouvoir ou l’ostracisation ressentie par certains a rendu la cohabitation très difficile entre les fils du pays. Les peuls qui sont généralement commerçants ont toujours eu le sentiment d’être les souffre-douleurs des différents régimes depuis le président Sékou Touré. C’est donc un jeu d’équilibre que le colonel Mamadi Doumbouya veut réussir en créant l’adhésion de tous à ce premier gouvernement. Après quoi les Guinéens se mettront ensemble pour décider du délai et du contenu de la transition face à la communauté internationale. Surtout que certains ont commencé à se poser des questions sur la démarche du colonel Mamadi Doumbouya.

Stéphane Badobré

PARTAGER