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Guillaume Soro a tout eu sous le régime d’Alassane Ouattara. Mais cela ne lui suffisait pas. Pour donner du contenu à sa néo-opposition au pouvoir d’Alassane Ouattara, l’ancien Premier ministre ivoirien porte sur les fonts baptismaux Générations et peuples solidaires (GPS) le 26 juillet 2019. Dans la précipitation…à moins d’un an de la présidentielle du 31 octobre 2020. Et Guillaume Soro a dès lors voulu se poser en chef de l’opposition ivoirienne. Il n’a de cesse que de multiplier les menaces contre le régime d’Abidjan. Il a eu des mots très durs pour le Président Ouattara dans la séquence de la présidentielle du 31 octobre 2020.

Ses menaces peuvent-elles ébranler le pouvoir ? Que pèse vraiment Soro? 

Les réponses à ces interrogations tombent sous le sens. Il s’agit d’une réputation surfaite avec son mouvement qui est en réalité une coquille vide. Passé le moment de l’euphorie de l’annonce de ce mouvement, GPS n’a pas pu se donner un extrait d’acte de naissance en bonne et due forme. Les textes constitutifs de GPS, à savoir les statuts et règlement, n’ont jamais été écrits.

Sur cette base, le travail d’implantation des organes du comité politique ne pouvait pas commencer. GPS n’a donc jamais été structuré depuis sa création. N’empêche. Le camp Soro qui joue à se faire peur et annonce que GPS revendique à la date du 29 octobre 2019 plus de 13.300 adhérents. Des militants, en réalité fictifs.

Même un parti plus structuré comme La République en marche (LREM) d’Emmanuel Macron en France n’a pas atteint aussi rapidement un tel élan d’adhésion. Guillaume Soro a tenté de faire du copier-coller de la stratégie d’Emmanuel Macron. Le mouvement créé le 6 avril 2016 par l’ancien transfuge du parti socialiste (PS) compte comme adhérents toutes les personnes ayant communiqué leur courriel, leur adresse complète (adresse postale, code postal et ville), un numéro de téléphone, leur date de naissance, et ayant adhéré à la charte du mouvement. Emmanuel Macron indique qu’il est possible d’adhérer tout en restant membre d’un «autre parti républicain». Le 10 avril 2016, quelques jours après le lancement du mouvement, Emmanuel Macron revendique 13 000 adhérents. Le Canard enchaîné l’accuse de gonfler ses chiffres et prétend qu’il s’agirait en réalité de 13.000 clics sur son site. En décembre 2018, Libération indique qu’«à peine 15 % des 400 000 adhérents revendiqués seraient aujourd’hui actifs». Guillaume Soro a décidé de s’inspirer de ce qui semble marcher ailleurs.

Le 12 octobre 2019, depuis Valence, en Espagne, Guillaume Soro lançait un lien d’adhésion à son mouvement. La plateforme revendiquait le 29 octobre 2019 plus de 13.300 adhérents, selon ses administrateurs. Lors de la commémoration du premier anniversaire de leur mouvement, Franklin Nyamsi, un des supposés idéologues, annonçait plus de 400 000 adhérents à GPS. La stratégie était de montrer au pouvoir français que GPS est au coude-à-coude avec les grands partis ivoiriens en seulement quelques mois d’existence. «Le GPS n’est pas un parti politique, mais un mouvement citoyen qui transcende les partis politiques, les mouvements et les associations», précisait Guillaume Soro, le président du comité politique, le 23 octobre 2020. A l’entendre, il suffit de réunir 25 électeurs de son lieu de vote pour être un leader du comité local de son mouvement. Ainsi, il comptait ratisser large. In fine pour que Paris le considère comme un acteur politique majeur en Côte d’Ivoire. D’où la prétention de Guillaume Soro à se considérer comme un bras droit d’Emmanuel Macron, à quelques jours de l’élection présidentielle du 31 octobre pour laquelle son dossier de candidature n’a pas été retenu par le Conseil constitutionnel. «On a gnanga (Ndlr, nous nous sommes battus), j’ai pris Macron, il (Ndlr, Alassane Ouattara) a pris LeDrian», se gargarisait-il. Comme pour dire à ses quelques supporters qu’il avait les faveurs du patron de l’Elysée, là où le président ivoirien devrait se faire du souci, à l’approche de cette importante échéance.

Depuis les effets d’annonce, et le petites phrases assassines, sur le terrain, le mouvement GPS est toujours invisible, il n’est que l’ombre de lui-même. Aucun meeting ni rassemblement d’envergure ne s’est tenu depuis.

A l’occasion de son retour avorté le 23 décembre 2019, bien des Ivoiriens ont constaté que Guillaume Soro ne pesait pas grand-chose sur l’échiquier politique national. Entre le 23 et le 31 décembre, 19 membres de son entourage, dont cinq députés, ont été arrêtés et écroués, la plupart pour «tentative d’atteinte à l’autorité de l’Etat» et «divulgation de fausses nouvelles en vue de créer une insurrection». GPS, qui ne dispose d’aucun moyen de pression politique pour leur libération, est resté aphone. La «résistance» prônée a fait psitt. C’est sur Internet que les soroïstes font le plus de bruit. Les partisans de GPS ont massivement investi les réseaux sociaux qu’ils alimentent chaque jour, avec de nombreux avatars dont Chris Yapi et des fake news à couper le souffle.

Soro effacé du Parlement

Alors que les principaux partis d’opposition, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci) et le Front populaire ivoirien (FPI) en tête, avec Ensemble pour le développement et la solidarité (EDS) ont amorcé un dialogue politique avec le pouvoir en décembre et ont participé aux élections législatives du 6 mars, Soro et le GPS n’ont pas présenté officiellement de candidats à ce scrutin. Guillaume Soro a donc été effacé du Parlement ivoirien.

Soro ne fait pas partie des revendications de l’opposition

Sa stratégie qui consiste à rester sur une ligne dure et «ne rien céder à Alassane Ouattara», le rend de moins en moins fréquentable par «ses» anciens amis de l’opposition. Il a joué à fond la carte de la candidature illégitime du Président Ouattara lors de la présidentielle d’octobre 2020. Il est même allé jusqu’à appeler à un coup d’État. Ses sorties ont conforté Henri Konan Bédié du Pdci à mettre sur pied un Conseil national de transition (CNT) mort-né. Il n’a pas réussi à fédérer l’opposition, ni à incarner le changement générationnel. «La vérité, c’est que sa popularité et son poids politique sont beaucoup moins importants que ce qu’il a toujours imaginé. Il est tombé de haut», croit savoir un analyste qui pense que Guillaume Soro est au bout du rouleau.

La dissolution de GPS le mercredi 23 juin 2021 dans le cadre du procès de Guillaume Soro et 19 co-accusés pour tentative de déstabilisation clôture l’impuissance de l’ancien PAN ivoirien.

Aucune mouche n’a volé après le rendu du verdict qui scelle son avenir politique, avec une condamnation à vie.

La petite galaxie soroïste a pris une douche froide même si quelques-uns ont voulu donner dans la provocation. Ces derniers entendaient organiser une caravane dite de rassemblement-échange sur le soroïsme le samedi 26 juin 2021 à Daloa. Mais les initiateurs se sont heurtés au refus catégorique du préfet, Bako Digbé Anatôle Privat.

Les autorités judiciaires qui avaient requis la dissolution du mouvement ont apporté la preuve que GPS n’est en réalité qu’une officine de déstabilisation au service de Guillaume Soro. Une sorte de blanchiment politique que l’ancien PAN et ses amis font sous le couvert de cet appareil qui a du mal à formuler une offre politique alléchante.

Après la série de déconvenues sur le terrain politique, quelles perspectives s’offrent aujourd’hui à Guillaume Soro? Il est réduit à être «Le Sénoufo errant» pour paraphraser le titre «Le Juif errant», un roman français d’Eugène Sue. L’ancien Premier ministre ivoirien semble être dans exil interminable qui risque de se transformer en voyage sans retour.

Trois peines planent sur sa tête : La justice ivoirienne émettait le 23 décembre 2019, un « mandat d’arrêt international » contre Guillaume Soro, pour « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État et à l’intégrité du territoire national ». Le 28 avril 2020, il avait été condamné à 20 ans de prison pour recel de détournement de deniers publics, «pour avoir tenté de s’approprier, selon la justice, une résidence achetée par l’Etat pour le loger lorsqu’il était Premier ministre». Toujours en son absence, Guillaume Soro a été condamné le mercredi 23 juin à Abidjan, à la prison à vie pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » pour des faits commis fin 2019.

Stéphane Badobré

 

 

 

 

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