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Il n’existe pas de crime parfait, mais il existe parfois des montages grossiers. Depuis quelques jours, une vidéo largement relayée sur les réseaux sociaux tente de faire croire que le candidat Yves Toto, dans la circonscription électorale de Sakassou (commune et sous-préfecture), aurait corrompu des agents de la CEI en leur remettant de l’argent dans un bureau de vote. Le commentaire qui accompagne la vidéo va plus loin, affirmant que le même acte aurait été reproduit dans plusieurs autres centres, justifiant ainsi une invalidation du scrutin ou, à défaut, des résultats concernés. Or, les faits démentent cette construction.

L’argument factuel : une accusation qui s’effondre d’elle-même

Première contradiction majeure , Yves Toto n’a pas été déclaré vainqueur de cette élection. Comment expliquer, dès lors, qu’un candidat qui aurait prétendument « corrompu » les agents électoraux n’ait tiré aucun bénéfice électoral de cette supposée manœuvre ?
La logique la plus élémentaire conduit à une seule conclusion, il n’y a ni corruption, ni tentative de corruption.
Ce qui apparaît en revanche clairement, c’est une tentative de manipulation de l’opinion, dans un contexte où l’opposition, en l’occurrence le PDCI-RDA, redoutait une percée d’un jeune cadre politique présenté comme favori dans le Oualèbo. La vidéo a sans doute été conçue comme une assurance politique en cas de défaite. Ironie du sort, c’est finalement le candidat du vieux parti qui a été déclaré vainqueur. Dès lors, une question s’impose. Si fraude il y avait, faut-il reprendre les élections à Sakassou ? Ou exiger que le candidat déclaré vainqueur retourne aux urnes ?

L’argument juridique : le pourboire n’est pas une corruption

En droit, la corruption électorale repose sur des éléments précis. Le Code électoral ivoirien, comme la jurisprudence constante, exige :
une intention frauduleuse, un pacte clair,
et une contrepartie électorale directe qui consiste à modifier un vote, falsifier un procès-verbal, influencer un résultat) par exemple. Or, comme le rappellent de nombreux juristes, « La corruption suppose un accord qui consiste à donner ou promettre un avantage en échange d’un acte contraire à la mission confiée. » . Un pourboire, en l’espèce, au contraire, est un geste de courtoisie ou de reconnaissance, effectué après ou indépendamment de l’acte électoral, sans exigence de contrepartie. En l’absence de preuve d’un échange illicite, le droit ne peut qualifier un tel geste de corruption. A cela s’ajoute un élément fondamental. Dans un bureau de vote, tous les représentants des candidats sont présents. Il est donc hautement improbable qu’un candidat tente de « se corrompre lui-même » publiquement, sous les yeux de témoins.

Une pratique connue en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, il est de notoriété publique que lors du passage d’autorités administratives, politiques ou traditionnelles dans des bureaux de vote, des gestes symboliques sont souvent faits à l’endroit des agents de la CEI, des forces de l’ordre, ou des scrutateurs,
notamment pour les encourager ou les remercier pour une journée de travail éprouvante. Plusieurs exemples illustratifs parcourent la vie politique ivoirienne depuis 1960 à nos jours, depuis l’ère du Pdci-Rda au RHDP en.passant par l’ère Fpi ou Ppa-ci. En depuis Félix Houphouët-Boigny à Alassane Ouattara en passant par Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo.
Lors de l’élection présidentielle dans plusieurs localités à l’intérieur du pays des autorités locales ont laissé des enveloppes de motivation ou pris en charge la restauration des agents électoraux, sans que cela n’ait jamais été qualifié de corruption ni entraîné l’annulation des résultats.
Aux élections locales sous tous les régimes, il a été observé dans certaines communes que des élus ou cadres administratifs, en visite protocolaire dans des centres de vote, ont offert des repas ou de modestes appuis financiers logistiques aux agents présents, pratique tolérée tant qu’elle ne s’accompagnait d’aucune instruction électorale. Dans ces cas, aucune juridiction électorale n’a retenu l’infraction de corruption, faute d’éléments constitutifs. Toto Yves même s’il a remis de l’argent à des agents de bureau de vote n’a donné aucune instruction électorale. Et comme tout candidat, il est de bon aloi qu’il affirme qu’il va gagner les élections et invité tous les citoyens à prendre part à sa victoire. On.ne va pas à une bataille pour perdre.

Une accusation sans valeur juridique

Aujourd’hui, alors même que le candidat du PDCI-RDA a été déclaré vainqueur, la diffusion de cette vidéo accusant faussement Yves Toto apparaît sans objet et sans fondement. Elle relève davantage de la diffamation politique que de la défense de la démocratie.
En conséquence, Yves Toto serait fondé à saisir la justice pour atteinte à son honneur et à sa réputation, conformément aux textes en vigueur sur la diffamation et la propagation de fausses nouvelles.

Il est dangereux pour la démocratie de confondre volontairement bienveillance et corruption, au risque de vider les mots de leur sens juridique. Un pourboire n’est pas une corruption. La corruption électorale suppose une intention, un pacte et une contrepartie.
À Sakassou, les faits sont têtus. il n’y a pas eu fraude, mais plutôt une tentative malheureuse de manipulation de l’opinion.

Allah Kouamé
Journaliste – Écrivain

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