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Objet : Crime environnemental et foncier / Les remblais lagunaires du Grand Abidjan.

Monsieur le Président,

Depuis plusieurs années, et plus encore ces derniers mois, le Grand Abidjan est le théâtre d’une reprise massive des remblais lagunaires en violation flagrante des lois de la République. Ces pratiques illégales, menées à Treichville, Port-Bouët, Koumassi, Biétry, Marcory et ailleurs, constituent une spoliation du domaine public fluvio-lagunaire, pourtant incessible et inaliénable.

1. Une violation organisée du cadre légal

La Loi sur le littoral (n°2017‑378), le Code maritime (n°2017‑442)et le décret n°2019‑591 interdisent tout remblayage sans autorisation préalable et imposent la remise en état des berges. L’autorisation de remblai ne peut être accordée que pour des motifs d’intérêt général, jamais pour développer une activité économique privée. Or, tous les remblais concrétisent des projets immobiliers commerciaux, en violation directe des textes.

2. Un phénomène aux dimensions alarmantes

Cette pratique illégale concerne des millions de mètres carrés: déjà plus de 2,2 millions m² remblayés en 2019, avec une perte de près de 30 % de la surface de certaines baies, et plus de 2,5 millions m² à fin 2023.

3. Une défiance à l’autorité présidentielle

Monsieur le Président, la poursuite de ces remblais malgré l’interdiction et l’absence de remise en état des sites constitue une défiance ouverte à votre autorité. Ce laxisme encourage l’idée que le cadre juridique ne s’applique pas pleinement dans nos lagunes.

4. Des réseaux mafieux à l’œuvre

Ces opérations ne peuvent être le fait d’initiatives plus ou moins isolées : elles résultent d’une organisation mafieuse, disposant de relais dans l’administration pour contourner la loi et immortaliser leurs profits.

– 12 ha à Abidjan Nord : 120 lots vendus entre 500 et 600 M FCFA pour 60–72 milliards FCFA.
– 42 ha à Biétry : 420 000 m² à 1 M FCFA/m², soit 420 milliards FCFA.

Ces montants colossaux illustrent une délinquance foncière organisée, convertissant un bien commun en manne privée au mépris de l’intérêt national.

5. Une mécanique bien huilée

Des Arrêtés de Concession Définitive (ACD) sont délivrés sur des terrains issus de remblais, alors que le domaine public est incessible et inaliénable.
La brigade spéciale (BRISRA) créée pour faire respecter la loi, a certes permis de ralentir le désastre mais malheureusement, faute de moyen suffisant, elle n’intervient jamais à temps pour empêcher les remblais, mais ́toujours après coup, une fois les faits établis. Le plus grave la remise en état n’a jamais été ordonnée. Cette inertie institutionnalise la fraude foncière et légalise le faux.

6. Conséquences écologiques et sociales

Ces remblais détruisent la biodiversité, aggravent les risques d’inondation, polluent la lagune et menacent la santé publique et font perdre à la Côte d’Ivoire un de ses attraits touristiques majeurs. De l’enrichissement illicite est induit et de facto du blanchiment d’argent et peut-être même du financement du terrorisme si jamais des intervenants sont liés aux réseaux du Hezbollah présents en Côte d’Ivoire. Enfin, les populations locales sont privées d’accès à un patrimoine national privatisé.

Monsieur le Président, nous demandons instamment :

1. L’arrêt immédiat de tous les remblais en cours.

2. La remise en état des berges pour chaque site illégal.

3. Une enquête publique du PPEF sur les réseaux mafieux et leurs complicités.

4. L’annulation des ACD délivrés sur des terrains issus de remblais.

5. Des sanctions exemplaires contre les auteurs et leurs relais.

La lagune Ébrié est un trésor national, non un gisement foncier au service de groupes mafieux. L’histoire jugera sévèrement l’inaction. Agissez maintenant pour faire respecter la loi, préserver l’environnement et restaurer la dignité de l’État.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

 

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