PARTAGER

7 décembre 1993. Le premier président ivoirien, Félix Houphët-Boigny décède. Le père de la Côte d’Ivoire moderne laisse un immense héritage : un pays en développement et un parti politique solide. Président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié lui succède, conformément aux dispositions de la Constitution en vigueur. La bataille pour la succession d’Houphouët-Boigny laisse des traces. Alassane Ouattara, alors Premier ministre est accusé de vouloir prendre le pouvoir. Il devient la cible de Bédié qui met en branle la machine de l’Etat et de son parti pour réduire à néant l’ancien Directeur général adjoint du Fonds monétaire international (Fpi). Première conséquence : le départ massif de plusieurs cadres du Pdci pour fonder le Rassemblement des républicains (Rdr), en 1994, à l’issue d’un congrès du Pdci.

« Bédié change le code électoral… »

Bédié fait changer le code électoral et entame une purge au sein de l’administration. Tous les cadres soupçonnés ou découverts dans le Rdr sont ostracisés. Cela débouche sur une grave crise électorale en 1995. Le Rdr et le Front populaire ivoirien (Fpi) de l’ancien président, Laurent Gbagbo, réunis au sein du front républicain engagent le boycott actif. Le Pdci perd le Nord, l’un de ses plus gros bastion. C’est le début de la descente aux enfers de ce parti. Bédié abandonne Yamoussoukro, capitale économique, pour Daoukro, sa ville natale. Il y bâtit une résidence sur des centaines d’hectares comme l’a fait Houphët-Boigny à Yamoussoukro. Le Pdci est délaissé au profit du Cercle national Bédié (Cnb), qui bénéficie d’un financement colossal et dont les sections sont investis partout en Côte d’Ivoire.

A lire aussi : Législatives 2021 : Les grandes leçons d’un scrutin inclusif

« L’Ivoirité, le talon d’Achille »

À partir de 1996, dans sa volonté de discréditer Alassane Ouattara, Bédié et ses collaborateurs créent le concept de l’Ivoirité. Officiellement, ce concept est censé faire la promotion de la culture ivoirienne. Sauf qu’il est utilisé comme une arme redoutable pour categoriser les Ivoiriens. Ceux du Nord sont alors taxés d’étrangers. Ils sont l’objet d’une persécution policière quotidienne. Ce concept jure avec la philosophie de Félix Houphët-Boigny, qui a misé sur le brassage ethnique et culturel en Côte d’Ivoire et encouragé l’intégration sous-régionale. La tension est palpable en Côte d’Ivoire, surtout sur le plan politique.

« Le coup d’Etat de 1999 »

Les militaires renversent un Bédié trop occupé à effacer les traces d’Houphouët-Boigny

Décembre 1999, précisément le 24, Bédié est chassé du pouvoir par la junte militaire. Fin de règne pour celui qui aura passé 6 ans au pouvoir. Les militaires ne font pas mieux. Chassé du pouvoir également en 2000, le chef de la junte militaire, Robert Guei, créé l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (Udpci). Le Pdci subit encore une vague de départ de plusieurs de ses cadres. Après le Nord, le vieux parti perd une partie de l’ouest. Le Fpi au pouvoir réussit à débaucher encore des cadres. La deuxième partie de l’ouest du pays, en l’occurrence le Guemon et le Cavally quittent l’escarcelle du Pdci. À l’Est, ce parti perd d’importants bastions. La région de la Mé bascule au Fpi ainsi que l’Agneby-Tiassa. Le Pdci est confiné dans le « V Baoulé » et éparpillé dans quelques régions.

« Le Pdci perd d’importants bastions »


Laurent Gbagbo et son parti ont pris d’importants bastions du Pdci

2010. Laurent Gbagbo est lui aussi chassé du pouvoir. Le Pdci en alliance avec le Rdr forment le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Avec le boycott des législatives par le Fpi, le Rhdp rafle tous les sièges de l’Assemblée nationale. Le Pdci s’en tire avec une centaine de députés. En 2016, le vieux parti décroche un peu plus de 90 députés. En 2021, le vieux parti a une cinquantaine de députés. Le parti est manifestement au creux de la vague. D’un parti national, il est réduit à une formation politique régionaliste. Bédié, 87 ans et sans vision, maintient le Pdci dans la léthargie. La plupart des cadres, vieillissant, sont sclérosés. Il y a un fossé entre la moyenne d’âge des dirigeants (70 ans) et la jeune génération (40 ans). Incapable de se projeter dans l’avenir, le parti fondé par Félix Houphët-Boigny est en train de disparaître. Et Bédié ne veut rien lâcher. Dans les coulisses, de jeunes loups se préparent pour inverser la situation. Y arriveront-ils ? Wait and see.

PARTAGER