PARTAGER

La pandémie du coronavirus a complètement bouleversé la donne géopolitique à travers le monde. Les accusations mutuelles sur l’origine de la pandémie entre les États-Unis et la Chine laisse craindre la naissance de nouvelles tensions sur l’échiquier mondial. Par ailleurs, les institutions internationales montrent leurs limites et de nombreuses lacunes : l’Organisation Mondiale de la Santé n’a pas rempli son rôle planétaire, l’ONU est restée très discrète tandis que l’Union européenne n’a pas trouvé la réponse commune et efficace face à la crise. Au contraire, les pays membres ont montré très peu de coopération, prouvant qu’une profonde refonte de cette institution est devenue indispensable. Le 8 avril dernier, le politologue Mathias Hounkpè de la fondation Open Society Osiwa, basée à Dakar analysait sur les ondes de RFI les conséquences de cette crise du point de vue politique, surtout en Afrique de l’Ouest, où des élections cruciales sont prévues d’ici à la fin de l’année. Selon lui, la première conséquence politique, c’est déjà la restriction des libertés pour les mouvements sociaux et les mouvements de contestation. « Mais comme vous le savez, partout où on peut utiliser ce genre de restrictions pour de bonnes raisons, on peut également l’utiliser pour gagner un peu de répit. Surtout pour les pays où ces derniers mois, on peut dire que les citoyens, ou une partie des citoyens au moins, avaient des raisons de ne pas être contents et d’aller manifester. Je veux parler, par exemple, de la Guinée, du Togo, en partie du Sénégal, etc. Je crois que dans tous ces pays, aujourd’hui, les responsables au pouvoir gagneront un peu de répit ». Cependant, à la question de savoir s’il y a un risque d’explosion sociale, comme certaines analystes le prévoient, Mathias Hounkpè a été on ne peut plus clair: « Je ne dirais pas qu’il y ait un risque d’explosion, une sorte d’effet domino, où vous allez voir les pouvoirs tomber les uns après les autres en Afrique. Mais je pense que, tous ceux qui sont au pouvoir feraient une grossière erreur en pensant qu’ils peuvent gérer la crise comme ils veulent et s’en sortir. Nos dirigeants ont intérêt à faire très attention, parce que cela peut accentuer les tensions politiques qui existent déjà dans certains pays. Les crises sécuritaires se nourrissent aussi en partie des conditions de vie difficiles des citoyens. Donc, de mon point de vue, il y a des risques politiques sérieux ». Outre les bouleversement politiques et défis sanitaires engendrés par le COVID-19, les répercussions sur l’économie en Afrique se font déjà ressentir. Avec la fermeture d’industries en Asie, en Amérique et en Europe, la demande de matières premières et de marchandises diminue, entravant également l’accès de l’Afrique aux composants industriels et aux produits manufacturés (y compris les équipements médicaux). L’histoire prouve que les collaborations transfrontalières surviennent souvent pendant ou après des crises majeures. La Première Guerre mondiale a entraîné la création du Bureau international du travail ; les Nations unies ont été créées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La construction de l’Union européenne a également été une réaction à cette conflagration.
L’Union africaine a déjà affirmé que l’Afrique sera plus forte si les pays étaient davantage unifiés grâce à la naissance de la Zone continentale africaine de libre-échange. Un engagement aussi fort en faveur d’une action commune de la part des dirigeants du continent serait sans aucun doute également bénéfique pour la lutte contre la pandémie de coronavirus et de ses conséquences économiques pour l’Afrique.

PARTAGER