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La libération des détenus politico-militaires et le retour de l’intégralité des pseudos-exilés politiques. Ces deux points sont chantés comme un mantra par l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, depuis son retour en Côte d’Ivoire le 17 juin 2021. Cela semble être sa recette pour la réconciliation effective des Ivoiriens. Grande surprise de la liste de prisonniers dont il a réclamé l’affranchissement lors de sa visite au président de la République, Alassane Ouattara : Soul To Soul, bras droit de Guillaume Soro, chef de file de la rébellion qui a ébranlé le pouvoir des refondateurs. Poussant le bouchon de bon samaritain on ne peut plus loin, il a également formulé le vœu d’un retour au bercail de Guillaume Soro, son ex-Premier ministre. «Je sais qu’on a discuté de beaucoup de cas dont celui de Soro Guillaume. Je souhaite que la Constitution lui soit appliquée. Dans notre Constitution, on dit que ‘’Nul ivoirien ne doit être contraint à l’exil’’, a-t-il révélé au cours d’une interview à France 24 en répondant à la question : Souhaitez-vous le retour de Guillaume Soro ? Visiblement, le Woody de Mama faisait acte de miséricorde, en donnant l’impression de jeter aux oubliettes les affronts qui lui avaient été infligés par son ex-premier ministre. Que nenni. De fait, ces propos ont des allures d’un effet d’annonce. En cause, son silence face au contentieux juridique qui oppose son fils, Michel à Guillaume Soro. Raisonnablement, une posture parallèle à son vœu de retour de Soro Guillaume aurait requis par ricochée son implication, auprès de sa progéniture pour un retrait de cette plainte.
Michel Gbagbo entend coûte que coûte voir le bout de l’affaire. Invitée sur un plateau télé, le 11 octobre, Habiba Touré, cheffe de cabinet de Laurent Gbagbo, par ailleurs avocate de Michel Gbagbo avait d’ores et déjà embouché la trompette sur le serpent de mer judiciaire vieux d’une décennie contre Guillaume Soro. Il s’agit d’une plainte déposée en 2011 contre l’ancien Premier ministre ivoirien Guillaume Soro et dix commandants de zone (comzones) de l’ex-rébellion pour «enlèvement, séquestration, traitements inhumains et dégradants, commis le 5 août 2011». «Le dossier n’est pas clos, le dossier se poursuit. Les procédures criminelles à l’instar de celle-ci sont des affaires très longues», avait-elle souligné. Suite à la publication sur la toile d’un communiqué du collectif des avocats de Guillaume Soro, il est porté sur la place publique que la juge Sabine Khéris souhaite entendre l’ex-président de l’Assemblée nationale dans l’affaire qui l’oppose à Michel Gbagbo. Invitée sur le plateau d’une Web Tv à Paris, subséquemment à ces nouveaux épisodes de l’affaire, Habiba Touré en remet une couche. «Il n’y a aucun texte qui justifie la détention arbitraire d’un individu. C’est ce qui nous a amenés à déposer plainte. Parce que non content de le détenir en dehors de tout cadre légal, il a été battu, filmé dans des conditions humiliantes et ça ne se justifie pas», a-t-elle expliqué.
Justice à géométrie variable. A l’analyse de l’affaire, le deux poids deux mesures sonne comme une évidence. En effet, l’ex-chef de l’Etat, Laurent Gbagbo, implore la clémence de son successeur au palais présidentiel afin qu’il ferme les yeux sur les actes délictueux de plusieurs coupables qui ont les mains sanguinolentes consécutivement à des affaires qui ont coûté la vie à des milliers d’Ivoiriens et tutti quanti. Mieux, il plaide auprès du Président Ouattara pour qu’il use de ses leviers afin de favoriser le retour de Guillaume Soro, en dépit des condamnations qui planent sur lui comme une épée de Damoclès relativement à des actes de déstabilisation. Stricto sensu, Laurent Gbagbo demande à Alassane Ouattara de passer l’éponge sur les actes de Guillaume Soro, qui ont conduit à la mort de dizaines d’Ivoiriens et d’étrangers vivant en Côte d’Ivoire. A perpète-les-oies de cette demande, le fils de l’initiateur, par ailleurs député et membre du cercle exécutif du PPA-CI, est droit dans ses bottes. Il compte poursuivre l’ex-PAN dans ses derniers retranchements pour obtenir justice. Michel Gbagbo, la progéniture de Laurent Gbagbo, rame visiblement à contre-courant de son géniteur. Il enfonce une porte ouverte dont son père négocie la fermeture. Officiellement muré dans un silence par rapport à l’affaire, en l’état actuel, le président du PPA-CI n’a nullement demandé même en aparté à son fils de jeter l’éponge. Chose qu’il avait faite publiquement au chef de l’Etat, garant de la justice pour les victimes des crises suscitées par les actuels prisonniers et exilés politiques en porte-à-faux avec la justice. Manifestement, aux yeux de Laurent Gbagbo, le droit à la justice de son fils, Michel Gbagbo, détient une suprématie sur celui des autres Ivoiriens. Peser de tout son poids pour que le Président passe l’éponge sur les préjudices subis par des milliers de victimes et qu’il libère leurs bourreaux au nom de la réconciliation mais apposer un silence sur les procédures visant à mettre le grappin sur le présumé donneur d’ordre du passage à tabac de son fils lors de la même période: une dichotomie, un deux poids deux mesures signé du président du PPA-CI Laurent Gbagbo.

Stéphane Badobré

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